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soumis à l’impôt de capitation[1]. Les non inscrits sont exempts d’impôts ou plutôt s’acquittent en nature par des corvées. La commune, comme sous le régime annamite, répond de la présence sous les drapeaux des hommes levés sur son territoire, qui sont d’ailleurs saisissables dans leurs biens, puisque le recrutement ne s’opère que parmi les propriétaires inscrits. La quotité de l’impôt par individu, selon la qualité des terres cultivées, le nombre des soldats, la nature et la quantité des corvées, sont déterminés par l’autorité centrale; mais la commune en fait la répartition de plein droit et garantit la rentrée de tous ces impôts. Enfin elle est responsable des délits qui se commettent dans sa circonscription. Cette organisation, qui procède du système annamite, a le mérite d’alléger notre administration de mille soins et de mille détails dont les indigènes s’acquittent d’autant mieux qu’ils n’ont qu’à suivre leurs traditions.

Les indigènes et les Asiatiques de différentes nationalités sont soumis, pour leurs méfaits ou leurs litiges, à la juridiction de leurs pairs, qui appliquent leurs coutumes et leurs lois, avec droit de recours en révision auprès de l’autorité française. Un inspecteur des affaires asiatiques réside à Saigon. Il est spécialement chargé de proposer au gouverneur les mesures propres à rétablir l’administration annamite sur ses anciennes bases, en la dégageant progressivement de ses abus. Il signale les tendances favorables ou contraires à notre établissement pour combattre les unes et encourager les autres et faire face aux nécessités de la situation.

C’est grâce à cette administration habilement maniée que nous avons réussi, avec un personnel restreint, à imprimer le caractère et la main de la France sur la Cochinchine. C’est principalement sous la direction de l’amiral La Grandière que ces résultats ont été obtenus. Cet officier-général n’a rien négligé pour se montrer digne de la mission qui lui était confiée. Un de ses premiers soins a été d’entourer la propriété annamite des garanties de la loi française en la consacrant par un titre français. Cette mesure a donné au propriétaire une sécurité qu’il n’avait pas sous le régime précédent, où il n’était que le tenancier du roi. Cependant, éclairé par l’exemple des Hollandais à Java, l’amiral, pour éviter un autre écueil, a conservé une sorte de tutelle sur les propriétés des indigènes, qui ne peuvent aliéner leurs terres à des Européens. Cette restriction a pour but d’empêcher que les Annamites ne soient victimes de spéculateurs étrangers peu scrupuleux dans leurs moyens d’acquérir. Il y a moins de conséquences fâcheuses à redouter, si par de faux calculs ils sont trompés par des individus de leur race.

  1. On paie l’impôt complet de 20 à 55 ans; on n’en paie plus que la moitié après cet âge.