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industriels, l’association serait toujours en mesure d’acheter les récoltes à un prix débattu ou de foire pour le compte des planteurs et des petits propriétaires des opérations qui nécessiteraient de leur part des dépenses et un travail au-dessus de leurs forces. Ainsi il y aurait un acheteur permanent des productions du sol, qui se chargerait de les diriger sur tous les points du globe où ils s’écouleraient aux conditions les plus avantageuses. Cette combinaison, tout à la fois financière, industrielle et commerciale, ferait circuler une sève toute nouvelle dans les provinces de la Basse-Cochinchine et les réveillerait de leur engourdissement.

D’après les lois annamites, les forêts font partie du domaine de l’état, sauf quelques privilèges concédés à des villages. Les forêts de l’Annam, qui abondent, on le sait, en essences précieuses, ne sauraient être livrées sans réserve à l’exploitation. Il faut qu’elles soient aménagées, que les coupes soient déterminées selon une certaine gradation; il importe aussi que les bois de teck et autres propres aux constructions navales ne soient point l’objet d’un stérile gaspillage. La société pourrait dans sa concession recevoir l’administration de cette partie du domaine public à des conditions fixées dans un cahier de charges. Elle installerait des scieries, pour rendre plus facile l’emploi sur les lieux de ces richesses forestières, et expédierait sur les chantiers de l’Europe les bois durs qui y sont vivement demandés.

On pourrait encore, parmi les travaux utiles à entreprendre, indiquer la création de bassins de radoub et de chantiers de réparation avec les machines et appareils nécessaires à cette destination. L’établissement de ce genre fait par l’administration locale est à peine suffisant pour les navires de l’état. Aujourd’hui un bâtiment qui arrive en Cochinchine avec des avaries se voit dans l’alternative ou de se faire condamner pour innavigabilité, ou de se rendre à l’un des bassins de Whampoa, de Hong-kong, de Shang-haï et de Singapore, constamment occupés, et dont les prix sont d’une cherté ruineuse.

Ces vues sont exposées dans plusieurs projets qui ont été soumis au gouvernement pour la formation d’une compagnie à laquelle serait confiée la mise en valeur de notre riche possession[1]. Le pouvoir se déchargerait ainsi d’une lourde tâche et verrait se rapprocher de lui les brillantes perspectives qui l’ont attiré dans cette contrée lointaine. Malheureusement il ne s’agit pas pour le moment de réaliser un tel programme : la question qui absorbe les esprits

  1. Parmi ces projets, nous remarquons celui de MM. Eymond et Delphin Henri, armateurs à Bordeaux. Les moyens pratiques qu’ils proposent témoignent d’une connaissance exacte du pays et ne provoquent qu’un seul regret : c’est que leur plan n’ait pas été plus largement conçu.