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substance, Hérat ne rapporte pas de quoi suffire à sa défense. Les revenus peuvent être évalués à 80,000 de nos tomans[1]. Sur cette somme, il faut prélever la paie des forces indispensables à la sécurité du district, pour le moins cinq régimens d’infanterie et quatre mille chevaux. Viennent ensuite les charges civiles, bref un déficit manifeste et notable que Yùr-Mohammed parvenait à combler au moyen des 36,000 tomans qu’il tirait du Sistan et du Ghurat. Vous voyez qu’il n’y a pas grand bénéfice à espérer d’une pareille conquête. Aussi les expéditions de la Perse contre Hérat n’ont-elles jamais eu pour but d’ajouter ce territoire à un pays déjà trop vaste pour être facilement gouvernable, et dont les populations insuffisantes ne fournissent pas assez de soldats pour résister aux agressions étrangères. Notre unique préoccupation est de rétablir le bon ordre et la paix dans le Khorassan, et pour cela il n’est qu’un moyen, c’est d’en fermer l’accès aux incursions continuelles des tribus turcomanes. Vérifiez par vous-même l’état du district où nous nous trouvons. De mon camp aux frontières du pays des Turcomans, il y a près de deux cents milles en ligne directe. Vous trouveriez partout, dans cette zone, des villages, même des villes, dont les forteresses, les mosquées, les bains, les habitations sont encore debout, mais qui restent complètement abandonnés, soit par suite d’exterminations, soit que leur population ait été peu à peu chassée vers le sud. De trois routes qui traversent la plaine où nous sommes, — sa largeur varie de quinze à trente milles, — il en est deux qui sont devenues complètement impraticables, et par lesquelles ne passe plus un seul des voyageurs circulant entre Hérat et Meshid. La troisième seule, qui longe le pied des hauteurs du sud, a pu être suffisamment protégée contre les brigandages des Turcomans. La Perse et le pays d’où viennent ces maraudeurs sont limitrophes sur une si grande étendue de frontière, qu’on ne saurait se garer de leurs incursions en se bornant à leur fermer les défilés de la montagne. Ils sont âpres au gain et trouvent de notables bénéfices dans le commerce des esclaves persans qu’ils vendent aux gens de Khiva et de Bockhara. On n’arrêtera donc leurs razzias, leurs chasses à l’homme, que si nous pouvons occuper sur leur territoire même une forte position, Merv par exemple, qui d’une part commande la rivière où les Turcomans-Taki viennent s’approvisionner d’eau, et de l’autre est assez près de Bockhara pour qu’en la voyant en notre pouvoir le maître de ce pays redoute un peu plus qu’il ne le fait maintenant de nous offenser en achetant des esclaves pris chez nous. La Perse peut revendiquer Merv aussi légitimement qu’aucune autre portion des domaines

  1. Il y a le toman d’Hérat et le toman de Téhéran, qui vaut 20 pour 100 de plus, La somme indiquée dans le texte cité représente en bloc de 38 à 40,000 livres sterling, soit près de 1 million de francs.