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terre, l’état s’est chargé de la défense matérielle des côtes; c’est lui qui élève des batteries, qui construit des forts, qui étend un cor- don sanitaire de douaniers contre les maux de la contrebande. Il s’est réservé en quelque sorte la partie ingrate de la tâche, tandis qu’il abandonnait la partie généreuse à l’initiative individuelle. La National life-boat Institution ne reçoit rien du gouvernement et ne dépend que de la charité publique. C’est dans ses bureaux que nous serons mieux à même de saisir l’unité d’un système dont on n’a vu jusqu’ici fonctionner que les membres épars.


II.

Vers 1823, de terribles naufrages avaient désolé les côtes de l’Angleterre. Dans l’île de Man vivait alors un baronet, sir William Hillary, qui résolut de prévenir ou tout ou moins d’atténuer les conséquences des désastres sur mer. Il n’était point riche. Sa fortune s’était dissipée dans les Indes occidentales et aussi dans l’Essex, où il avait équipé à ses frais des régimens volontaires de fermiers, lorsque le premier Napoléon menaçait d’envahir la Grande-Bretagne. A défaut d’argent, il avait de nobles aspirations et une ferme intelligence. Son généreux appel en faveur des marins naufragés trouva de l’écho dans le cœur d’un riche marchand de Londres, M. Thomas Wilson, membre du parlement. Les plus riches négocians de la Cité entrèrent dans les vues de ce dernier, et déclarèrent qu’ils étaient prêts à ouvrir leur bourse. Lord Liverpool, premier ministre, encouragea M. Wilson; mais, fidèle aux traditions anglaises, il se garda bien d’engager l’état dans une œuvre qui devait s’appuyer tout entière sur de libres sympathies. Au commencement de 1824, un meeting public eut lieu à la Taverne de Londres (London Tavern). Le docteur Manners Sutton, archevêque de Canterbury, présida cette réunion, où l’on remarquait d’ailleurs Wilberforce et lord John Russell, qui entrait alors dans la vie publique. M. Wilson fut nommé président de la société[1], et les côtes du Northumberland ayant le triste honneur d’être célèbres pour le nombre et la gravité des naufrages, c’est là que l’institution établit surtout les premières stations de life-boat. Un canot stationnait aussi sur les côtes de l’île de Man. Sir William Hillary, qui avait inspiré l’idée-mère d’où sortit la société de sauvetage, se hasarda lui-même plusieurs fois dans ce canot et sauva plus d’un naufragé. Un jour il faillit périr; ayant été précipité hors du bateau par la

  1. Il mourut en 1852, à l’âge de quatre-vingt-cinq ans, après avoir présidé la société des life-boats durant vingt-neuf années.