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force de la tempête, il se brisa plusieurs côtes, et jamais il ne se remit complètement des suites de cet accident. Le pays était alors sous le coup d’une crise commerciale, l’intérêt qu’on avait pris d’abord au service des life-boats parut s’évanouir. Plusieurs des associations locales moururent, comme disent les Anglais, de mort naturelle. Faute de surveillance, les canots tombaient en ruine. Que pouvait d’ailleurs foire l’institution avec un revenu de 400 à 500 liv. sterling par an? Comme elle n’agissait guère, on l’oublia. C’est à peine s’il restait douze stations de life-boat dans tout le royaume, et pourtant les naufrages se multipliaient avec le nombre toujours croissant des navires.

Tel était l’état de décadence des life-boats quand d’un effroyable désastre sortit, vers 1849, la régénération de l’établissement. Vingt marins de Shields avaient péri en vue des côtes. Ce triste événement arracha la société à son long sommeil. L’année suivante, en 1850, le duc de Northumberland en fut nommé président; le comité se renouvela, et un avocat, M. Richard Lewis, entreprit de réorganiser, en sa qualité de secrétaire, un service qui manquait surtout de direction. Tout a changé depuis lors. Sans attenter en rien à la liberté des comités locaux, l’institution noua des rapports avec eux, et exerça par un de ses officiers une surveillance active sur toutes les stations de life-boat qui voulurent bien se réunir à un centre. Elle établit en outre une échelle fixe de salaires pour les patrons (coxswains), et pour les équipages des life-boats un système de rémunérations proportionnées à la nature des services. La conséquence de ces efforts fut de ramener vers l’institution les sympathies qui s’en étaient éloignées. Les Anglais n’aiment point à donner leur argent pour de bonnes actions mal faites; mais, dès qu’ils aperçoivent un but généreux et des moyens efficaces pour l’atteindre, ils ne marchandent point avec la charité. On calcule que près de 100 millions de francs tombent tous les ans de la main des particuliers dans la caisse des différentes sociétés de secours. Avec un pareil budget, la bienfaisance constitue chez nos voisins ce qu’on appellerait en France u un état dans l’état. »

L’institution possède aujourd’hui cent trente-deux life-boats, distribués sur toutes les côtes les plus dangereuses de l’Angleterre. Chacun de ces bateaux coûte avec les accessoires de 500 à 600 liv. sterling[1] : c’est donc, à n’envisager que le point de vue matériel, un capital déjà très considérable qui flotte sur l’abîme au milieu

  1. Le bateau lui-même revient à 300 livres sterling, ses frais de transport sont de 100 liv.; la maison pour loger le bateau, boat-house, coûte 150 livres.