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900,000 livres le produit de la nouvelle taxe : il y avait donc à espérer de cette combinaison un surcroît de revenu de 200,000 liv., et en même temps la contrebande serait paralysée, le commerce régulier se développerait, la compagnie des Indes emploierait vingt bâtimens et deux mille marins de plus au transport du thé, et les profits de ce commerce, au lieu de passer presque tous entre les mains de négocians étrangers, rentreraient dans les voies légitimes et enrichiraient le pays.

Le plan de Pitt, accueilli avec faveur par l’opinion publique, fut cependant attaqué par Fox, qui soutint qu’il était injuste et vexatoire de faire payer, sous la forme d’un droit sur les fenêtres, un impôt sur le thé à des personnes qui n’en consommaient peut-être pas; mais il n’y avait pas une seule famille en Angleterre, riche ou pauvre, dans laquelle dès lors on ne fît chaque jour usage de thé, et le revenu supprimé devant être remplacé par un autre moins onéreux et plus considérable, il y avait tout profit pour le consommateur et le trésor dans l’échange proposé. Le projet ministériel fut adopté à une immense majorité, et le bill qui l’a consacré est connu sous le nom de «bill de commutation.» Toutefois la campagne contre la contrebande n’eût pas été complète, si on ne lui avait pas aussi enlevé le moyen de trafiquer sur les spiritueux. La distillation des esprits à l’intérieur donnait également lieu à de grandes fraudes, et celle des mélasses entre autres, qui, dans la ville de Londres, acquittait 32,000 livres de droits en 1778, n’en rendait plus que 1,098 en 1783. Pitt proposa en conséquence d’augmenter les droits sur les esprits indigènes, d’en mieux régler la perception, de diminuer ceux qui frappaient les esprits étrangers, et la motion qu’il fit à ce sujet fut adoptée sans opposition.

Les bons effets de ces diverses mesures ne tardèrent pas à se faire sentir. La contrebande, vivement attaquée, n’opéra plus qu’avec peine; le commerce, n’ayant presque plus d’intérêt à frauder, préféra acquitter les droits, la nouvelle taxe sur les fenêtres fut perçue sans soulever aucune réclamation, et au commencement de la session de 1785 Fox fut le premier à reconnaître ces heureux résultats. Cette session fut principalement consacrée à l’examen des résolutions préparées par Pitt afin de mettre un terme à des abus et privilèges préjudiciables pour le trésor et onéreux pour le public. Ainsi des agens supérieurs de l’administration étaient dépositaires de sommes de l’emploi desquelles ils ne rendaient aucun compte, et que souvent ils plaçaient à leur profit. Le chiffre s’en élevait à 2 millions de livres sterling. Pitt les fit rentrer au trésor, et, pour prévenir le retour de semblables irrégularités, le parlement institua, sur sa demande, une commission de cinq membres irrévocables aussi