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fier à l’excise la perception d’une partie de la taxe et de placer les manufactures de tabac sous la surveillance des employés de cette administration. Un bill fut proposé au parlement, où il souleva de nombreuses objections financières et politiques. Plusieurs membres prétendirent que le régime de l’excise était inapplicable au tabac, qu’il en paralyserait le commerce, diminuerait le revenu qu’on tirait le trésor au lieu de l’accroître, et n’aurait d’autre résultat que celui d’augmenter les frais de perception. Fox insista particulièrement sur cette extension dangereuse d’un régime fiscal menaçant pour la liberté et la constitution du pays, qui finiraient par être ainsi sacrifiées à l’accroissement du revenu public. « Quant à moi, dit-il, je maintiens que la proposition de ce bill démontre un oubli total du bienfait de notre constitution, de cette constitution dont il n’est pas un Anglais qui ne se glorifie. On dirait que la liberté et la constitution ne sont plus que de vains mots, que des sons qui n’ont aucun sens réel, et ne sont employés que pour orner les discours parlementaires, une théorie enfin dont la pratique est désormais impossible, et il est certain qu’en adoptant la mesure proposée nous préférerions l’accroissement du revenu à la constitution de notre pays. » Si nous citons ces paroles, c’est pour donner une idée de l’exagération de langage à laquelle l’esprit de parti peut entraîner les hommes les plus éminens et les plus honnêtes; mais, dans une nation aussi sensée que la nation anglaise, devant une assemblée aussi pratique que le sont les parlemens anglais, de pareilles déclamations devaient produire peu d’effet : aussi, en l’absence de Pitt, encore malade, il fut facile à Grenville et à Dundas de les réfuter, et vingt membres seulement votèrent contre le projet ministériel.

La question se présenta de nouveau l’année suivante à l’occasion de plaintes adressées par des fabricans et négocians de tabac. A l’appui de leurs réclamations. Fox et Sheridan reproduisirent les mêmes argumens, et cette fois ce fut Pitt qui se chargea de répondre. Traitant d’abord la question au point de vue financier, il démontra, en s’appuyant de documens officiels, que sous le régime de l’excise le commerce du thé et des esprits avait doublé, et que depuis six mois, sous l’empire du même régime appliqué au commerce du tabac, le droit perçu avait produit 130,000 livres sterling de plus qu’aux périodes correspondantes des années antérieures. On pouvait donc largement en conclure que le bénéfice annuel serait au moins de 300,000 livres sterling. Passant ensuite à la question politique, le premier ministre défendit énergiquement l’excise, et rappela tous les progrès obtenus par le commerce depuis l’emploi de ce mode de perception, non-seulement le plus favorable aux intérêts du trésor, mais encore le seul qu’on pût appliquer à nombre