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le plus parfait qui ait jamais été constaté dans les annales de la Grande-Bretagne, nous n’aurions pu obtenir une réparation complète. Bref, il n’y a jamais eu d’affaire mieux conduite ni mieux terminée, et jamais notre pays n’a eu une position aussi prédominante parmi les nations de l’Europe. »

Les préparatifs qu’il avait fallu faire avaient coûté 3,133,000 liv. sterl., et pour se procurer cette somme Pitt ne voulut pas recourir à un emprunt qui, en augmentant la dette perpétuelle, eût grevé le pays d’une charge annuelle et permanente. Confiant dans les progrès de la richesse publique, il préféra solder cette dépense, capital et intérêts, en quatre ans, avec le produit d’une contribution extraordinaire. « D’ailleurs, dit le docteur Tomline, son historien et son ami, quelque ingrate que fût la tâche de recouvrer par l’impôt une somme aussi importante dans un aussi court espace de temps, il l’assuma volontiers, dans le désir de donner au monde une preuve incontestable des ressources de son pays et de la facilité avec laquelle le peuple anglais accepte les fardeaux les plus lourds quand ils ont pour objet de maintenir l’honneur national. »

Aussitôt que le nouveau parlement fut réuni, Pitt lui soumit diverses résolutions ayant pour objet d’augmenter les droits sur les esprits indigènes et étrangers, sur le sucre, le malt, les permis de chasse et autres articles, les uns pour deux années, les autres pour quatre. Il ne lui paraissait pas douteux qu’avec le produit de ces surtaxes les dépenses de l’armement ne fussent soldées dans le délai fixé. Il imagina même un moyen d’en hâter l’acquittement : chaque trimestre, l’échiquier remettait à la banque le montant des intérêts à payer aux porteurs de rentes; mais, ces derniers n’étant pas tous également pressés de les toucher, il restait habituellement dans les caisses de la banque une somme disponible qu’elle employait à son plus grand profit. Ce reliquat n’avait cessé d’augmenter depuis quelques années. En 1784, il était de 292,000 livres sterling, en 1786 de 314,000 livres, en 1789 de 547,000, en 1790 de 703,000, et il était probable qu’il s’élèverait encore. Pitt pensa qu’aussi longtemps qu’il ne serait pas réclamé par les ayant-droit, le trésor, au lieu de le laisser à la disposition de la banque, pourrait l’appliquer à ses propres besoins. Il proposa donc au parlement d’en distraire 500,000 livres pour les affecter aux dépenses de l’armement, en donnant toutefois aux créanciers retardataires, pour plus de sécurité, la garantie du fonds consolidé; mais il fut objecté que cette somme pouvait être réclamée d’un moment à l’autre, que du jour où elle avait été déposée à la banque, elle était devenue la propriété des créanciers de l’état, que ce dernier n’avait plus le droit de l’en retirer et d’en disposer sans leur consentement, et qu’il était à craindre que le re-