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trait proposé, en leur donnant lieu de croire que leur gage était diminué, ne portât atteinte au crédit public. Pour lever tous les scrupules, Pitt convint alors avec la banque qu’elle avancerait un demi-million sans intérêt aussi longtemps que le reliquat disponible dans ses caisses ne serait pas inférieur à cette somme. Le résultat était absolument le même, et les diverses mesures proposées par le cabinet au parlement furent dès lors adoptées sans opposition. Peu de jours après, le budget de 1791 fut voté en parfait équilibre de recettes et de dépenses, et aucune circonstance ne vint, dans le courant de l’année, en déranger les prévisions. Les espérances exprimées en 1786 se trouvèrent enfin complètement réalisées.


IV. — SESSION DE 1792. — DISCOURS DU ROI. — EXPOSÉ PAR PITT DE LA SITUATION. — RUPTURE AVEC LA FRANCE.

En ouvrant le nouveau parlement le 31 janvier 1792, après s’être félicité de ce que la situation générale des affaires en Europe donnait lieu de compter sur le maintien de la paix, le roi George III crut pouvoir annoncer que son gouvernement proposerait avant peu dans les dépenses de la marine et de l’armée des réductions qui, combinées avec la progression incessante des recettes publiques, permettraient au parlement de supprimer quelques-unes des taxes existantes et d’augmenter les ressources de l’amortissement. « J’ai le plaisir d’entrevoir, dit-il, que les réductions qui peuvent être faites et l’accroissement continuel du revenu vous mettront à même, après avoir pourvu aux diverses branches du service public, d’établir un système qui puisse décharger mes sujets d’une portion des taxes existantes tout en consolidant le plan de réduction de la dette nationale. » Nous citons ces paroles parce qu’elles provoquèrent dans le parlement une discussion tout à la fois financière et constitutionnelle. Fox et Grey signalèrent ce passage du discours royal comme une atteinte aux privilèges de la chambre des communes, à laquelle seule appartenait l’initiative de toutes les mesures ayant pour objet l’établissement ou la suppression des impôts : on ne pouvait, suivant eux, supposer que la constitution, en confiant aux représentans du pays la mission ingrate de voter les taxes ainsi que les lois nécessaires pour en assurer le recouvrement, eût en même temps donné à la couronne la prérogative populaire d’en proposer l’abrogation. Le bénéfice comme le désavantage devaient donc en revenir à la chambre des communes. Pitt, répondant à Fox, admit que le droit de créer et d’abroger les taxes appartenait exclusivement à la chambre des communes; mais il soutint aussi que de la couronne émanant en général la proposition de toutes les