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pas payée avant le 1er mars 1721, le marché est rompu. Maurice se décide à implorer Frédéric-Auguste; mais avant de se rendre à Dresde, il va saluer sa mère à l’abbaye de Quedlinbourg et lui demande son intercession auprès du roi. C’est évidemment à cette affaire que se rapportent deux lettres de la comtesse de Kœnigsmark, l’une datée du 30 septembre 1720, l’autre un peu postérieure. On lit dans la première : « Le comte de Saxe ayant passé par ici à son retour de Paris, je le crois à présent arrivé auprès de votre majesté. Il a mille raisons de se louer de la France... Ce qui me console effectivement, c’est qu’il n’a pas oublié un moment les ordres de votre majesté, n’ayant ni joué, ni pratiqué les petits maîtres. Comme Paris est une assez grande épreuve pour un jeune homme, j’espère que votre majesté sera contente de sa conduite et lui accordera désormais ses grâces. » La seconde lettre, également remplie des prières les plus vives, les plus pressantes, en faveur de son cher Maurice, contient ces mots : « J’ai pris la liberté, sire, de vous donner autrefois en vers les noms de roi généreux, père adorable. Des expressions plus touchantes ne seraient peut-être pas reçues et ne siéraient plus à ma bouche ; si pourtant votre majesté faisait quelque estime d’un cœur rempli de vénération, attaché sincèrement au mérite éminent de sa seule personne, elle m’accorderait facilement ce que je viens de lui demander. » Le roi consentit à tout et donna l’ordre de payer le régiment du comte de Saxe sur sa cassette particulière. Malheureusement la cassette était vide ou peu s’en faut. Comme on était pressé par le temps, Frédéric-Auguste n’eut d’autre ressource que d’autoriser la vente d’un domaine constitué en apanage à Maurice, et qui devait faire retour à la couronne dans le cas où le comte de Saxe mourrait sans héritier.

Maurice de Saxe revint à Paris au commencement de l’année 1721. C’était le moment où le grand agitateur financier inoculait à la France la fièvre des spéculations. Aventureux et irréfléchi comme il était, on est surpris de ne pas le voir parmi les victimes du système de Law; il ne fit heureusement que s’y brûler les doigts. Nous en dirons autant de ses rapports avec le monde de la régence; s’il mena trop souvent une vie folle pendant ces folles journées, il avait du moins un préservatif qui le mettait à l’abri des débauches meurtrières où le corps et l’âme s’anéantissent. Les conseils de Schulenbourg ne s’étaient pas entièrement effacés de son esprit; il avait conservé le goût de l’action, le désir et le pressentiment de la gloire. Il étudiait les mathématiques, la mécanique, l’art des fortifications, toutes les branches du génie militaire. Il inventait de nouvelles manœuvres pour ses soldats, il perfectionnait le maniement du fusil ; un tacticien célèbre, le chevalier de Folard, assistant aux exercices du régiment de Saxe, était tellement frappé de l’esprit