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dont le souvenir lui apparaissait comme celui d’une seconde patrie n’en occupait pas moins habituellement sa pensée; mais, retenu ici par des travaux qui ne souffraient, à mesure qu’ils lui étaient confiés, ni ajournement, ni interruption, Flandrin avait dû d’année en année différer son voyage et se résigner à attendre d’un avenir de plus en plus incertain quelques mois de liberté. Un jour arriva enfin où il put mettre à exécution ce dessein tant de fois abandonné et repris. Vers la fin du mois d’octobre 1863, il partait, accompagné des siens, pour cette ville à laquelle il avait demandé jadis ses premières inspirations, et qu’il allait interroger maintenant avec toute la sûreté d’un esprit mûri par l’expérience, avec tout l’enthousiasme d’un cœur plus épris du beau que jamais.

En se rendant à Rome, Flandrin ne se proposait pas seulement de retremper son talent aux sources vives où il avait puisé dans sa jeunesse : il allait y chercher aussi un repos devenu bien nécessaire après tant de tâches achevées coup sûr coup, après tant de courageux efforts pour lutter contre la maladie, contre les empêchemens ou les fatigues, contre les préoccupations de toute sorte que lui avaient imposées, successivement ou à la fois, ses travaux de peintre, ses fonctions de professeur à l’École des Beaux-Arts, ses démarches en faveur de gens, — et le nombre en était grand, — qui sollicitaient de lui, soit pour leurs œuvres le bienfait de ses conseils, soit pour leurs intérêts le secours de son crédit. Il semblait, à la distance où il se trouverait de Paris et dans une atmosphère toute de recueillement et d’étude, qu’il lui serait permis de vivre quelque temps débarrassé des soins, des devoirs difficiles attachés ici à sa haute situation. Ce fut le contraire qui arriva. Des faits dont il faut bien que nous parlions, puisqu’ils sont mêlés au souvenir des derniers actes de sa vie, de nouveaux soucis vinrent troubler les jours pour lesquels Flandrin avait espéré le calme, et distraire, attrister jusque sous le ciel de l’Italie, jusqu’en face des chefs-d’œuvre des maîtres, celui qui comptait bien, écrivait-il à l’un de ses amis, n’éprouver en pareil lieu que des sentimens d’admiration et « n’y rien faire d’autre qu’encenser sa chère Rome. »

L’année qui a précédé celle où nous sommes a été, on le sait, féconde en innovations administratives dans le domaine des beaux-arts. Nous n’avons pas à les récapituler ici. Plusieurs d’entre elles, et en particulier les mesures qui ont atteint l’Académie et l’École des Beaux-Arts, sont présentes à la mémoire de chacun, aussi bien que les difficultés, très naturelles d’ailleurs, très faciles à prévoir, qu’a rencontrées cet essai de réforme. Les membres de la quatrième classe de l’Institut dépossédés de leurs plus importans privilèges, les professeurs évincés, les élèves eux-mêmes, et, en dehors de