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le doute! Je crois, moi, que, là comme ailleurs, on a le devoir de n’enseigner que des vérités incontestées ou au moins appuyées sur les plus beaux exemples et acceptées par les siècles. De ces nobles traditions, les élèves sortis des écoles feront la vérité de leur temps, soyez-en sûrs : vérité de bon aloi alors, car elle sera le produit d’une liberté réelle.

«C’est l’affirmation qui enseigne, ce n’est pas le doute. Aussi osez appeler le respect, la vénération sur les belles choses par la place que vous leur donnez, par les soins que vous en prenez. Faites reconnaître que c’est là ce qu’il faut aimer, honorer, admirer... Non, tout n’est pas également beau. Un chef-d’œuvre de Clodion et un chef-d’œuvre de Phidias ne peuvent être mis sur la même ligne. »


Lorsque le règlement qui devait assurer la régénération de l’École des Beaux-Arts eut été publié :


« Je pensais, écrivait encore Flandrin, je pensais bien qu’on ne pourrait le faire qu’en empruntant à la vieille organisation, sinon son esprit, au moins son mécanisme... En effet, pour l’école d’architecture, on cède et l’on conserve toute l’organisation ancienne. Aussi quel ordre, quelle progression, quelles garanties! On voit bien que le temps et l’expérience ont passé par là. Il n’est même plus question de ces professeurs spéciaux, de ces ateliers qui étaient la trouvaille vivifiante de l’entreprise. On a gardé ce trésor pour les peintres et pour les sculpteurs. Singulière logique! ce qu’un conseil ou jury de vingt-cinq professeurs ne pouvait faire que d’une manière partiale et suspecte, on le donne à faire à un seul homme, le chef d’atelier. Il admet ou repousse les élèves, il institue ou non des épreuves, il choisit les titres des élèves aux expositions publiques, aux récompenses, etc. Quant à ces concours qui ne servaient, disait-on, que la routine et la longue patience, on les rétablit. Ce n’est pas bien : pourquoi céder? »


Enfin, dans une lettre adressée à un autre de ses amis, Flandrin parlait de sa nomination à la place de chef de l’un des ateliers ouverts à l’École et du contre-coup que recevrait l’Académie de France à Rome des atteintes portées ici à « des institutions qui vivaient depuis deux cents ans... Pour moi, disait-il, je n’ai pas balancé un seul instant. J’ai compris le chaos dans lequel on allait entrer, et j’ai refusé d’y prendre part... Cette chère Académie de Rome, cette maison que j’avais revue avec attendrissement, elle aussi est frappée d’une manière mortelle. La réduction de la pension de cinq à quatre années, et surtout la faculté pour les pensionnaires de ne séjourner à Rome que deux ans, voilà ce qui doit l’ébranler, en amener un jour la suppression. Puissé-je me tromper! mais, je le répète, mon chagrin est d’autant plus grand que mon enthousiasme pour Rome avait pris, depuis mon retour ici, des racines plus profondes... Oui, Rome est un merveilleux séjour dont j’apprécie mieux que jamais l’utilité pour les artistes. »