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lesquelles on inscrit les noms des rues et les numéros des maisons, comme à d’autres emplois de l’émail sur fer et sur tôle. On semblait ne pas sortir de la spécialité des cadrans. C’est de l’horlogerie à poids que procède directement le vulgaire tournebroche, abandonné dans nos étroites et économiques installations parisiennes, mais que les départemens tirent en grande quantité de Morez. À ce même groupe se rattache le piège appelé miroir à alouettes, muni de mouvemens qui marchent jusqu’à 40 minutes, sans faire le moindre bruit, et dont le tournoiement attire et trompe l’innocent volatile.

Une initiative hardie, qui ne remonte qu’à huit ou neuf années, nous a montré l’horlogerie morézienne visant à s’élever vers la branche la plus délicate de l’art, c’est-à-dire vers la fabrication des montres. Comment! se sont dit les industriels, nous traitons avec un succès incontesté les grandes horloges à poids comme aussi certains types de l’horlogerie à ressort, et avec tant d’expérience acquise, avec des marchés d’ailleurs indiqués d’avance, nous abandonnerions une des spécialités les plus lucratives de l’horlogerie! Les Moréziens n’ont qu’à gravir la montagne voisine de la Faucille pour apercevoir, au milieu du merveilleux panorama qui s’y déroule, entre les cimes des grandes Alpes et le pied des monts jurassiens, assise au bord de son beau lac, l’industrieuse et attrayante cité genevoise dont la fabrication et le commerce des montres ont si largement agrandi la fortune. Ils peuvent encore contempler plus près d’eux, dans le Jura suisse, la richesse que cette même branche de travail a répandue dans des localités plus durement traitées que leur propre ville sous le rapport du climat, La Chaux-de-Fond et le Locle, où des juges très compétens croient pouvoir compter jusqu’à près de quatre-vingts millionnaires, et où les détails d’installation intérieure rappellent souvent le confort des villas de la Hollande, En hommes pratiques, loin de se flatter d’atteindre au but de prime saut, ils avaient compris que pour savoir il faut apprendre et surtout bien commencer, suivant le précepte besogne bien commencée est à moitié faite. Grâce à des souscriptions locales et à quelques subventions du conseil-général du Jura[1], ils avaient donc ouvert une école spéciale entièrement gratuite, pourvue d’un outillage complet. Cet établissement, la fabrique l’a maintenu durant cinq ou six années, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’elle ait cru posséder un nombre suffisant d’ouvriers pour les besoins présens. A notre

  1. Éclairé sur le caractère de l’œuvre, le gouvernement avait aussi témoigné de son bon vouloir en accordant une petite subvention sur le fonds inscrit au budget pour des destinations analogues, — fonds très modique du reste, quoique n’ayant, suivant nous, aucun besoin d’être accru.