Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 51.djvu/946

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dix atmosphères, c’est-à-dire qu’elle égale dix fois la pression exercée sur toutes les surfaces par cette enveloppe d’air atmosphérique, épaisse de 52,000 mètres qui entoure notre globe et comprime la colonne de mercure du baromètre. La pression atmosphérique est de 1,033 kilog. sur un mètre carré de surface, et par conséquent chaque mètre intérieur de la chaudière est comprimé par un effort de plus de 10,000 kilog. tendant à la faire éclater, tout au moins à laisser échapper la vapeur, on sait avec quel mugissement, par les ouvertures provenant de la plus légère imperfection du travail. Tel est l’agent moteur comparable à la foudre qui emporte les trains de chemins de fer dans leur marche courante; mais ils n’arrivent à leur vitesse de course que progressivement après chaque arrêt; c’est pourquoi les trains omnibus ont un si long trajet, bien que la vitesse de course entre les stations atteigne souvent celle de 40 kilomètres à l’heure. L’arrêt aussi est progressif; s’il était instantané, il pourrait avoir des suites aussi fâcheuses que celles d’une collision, car d’après une loi fondamentale de la nature la matière est inerte, incapable de passer du repos au mouvement ou de celui-ci au repos sans un développement considérable de puissance mécanique. Or cette puissance ne croît que proportionnellement à la masse du corps lancé; mais elle augmente en raison du carré de la vitesse, et par conséquent en la doublant; l’impulsion acquise devient ainsi non double, mais quadruple : si on décuplait la vitesse originaire, cette impulsion acquise serait centuplée. On en a conclu, par un calcul élémentaire en mécanique, qu’un train bien lancé possède en lui-même par la vitesse acquise une puissance motrice réelle comparable à l’effet d’une forte machine à vapeur en travail ou à celui de plusieurs boulets de canon. De là vient l’impossibilité d’arrêter une locomotive en marche avant qu’elle ait encore parcouru au moins 200 mètres après que le robinet de vapeur de la locomotive est fermé. « Vous ne pouvez donc pas maîtriser votre locomotive? disait-on à un mécanicien qui avait dépassé la station pour avoir supprimé trop tard son courant de vapeur. — Non, monsieur, répondit-il, je ne saurais d’emblée maîtriser cinq cents chevaux courant à fond de train. » Veut-on connaître quelle est, dans cette formidable accumulation de puissance mécanique, la part apportée par le voyageur? Son poids étant de 70 kilogrammes, le calcul indique que, dans un train express vigoureusement lancé, le voyageur possède en lui-même une force équivalente à celle qui théoriquement enverrait un projectile de 10 kilogrammes à 175 mètres, ou bien un poids de 70 kilogrammes, égal au sien, à 25 mètres de distance.

L’impétueuse vitesse n’est point le seul élément d’insécurité sur les chemins de fer: le péril vient plus encore de la variation de