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pays qu’ils soient, se réunissent, examinent les comptes et la gestion du conseil sortant, nomment un nouveau conseil, et tout est réglé jusqu’à l’année suivante. Si dans l’intervalle une question grave se présente, on convoque les land renters. Il faut lire les comptes-rendus des meetings pour se faire une idée du bon esprit qui règne dans ces réunions, où les nationalités sont mêlées et savent se fondre dans l’intérêt commun. On ne saurait désirer plus d’urbanité, plus de jugement et d’expérience, et les décisions rendues par un tel aréopage peuvent être acceptées avec sécurité. Elles furent d’un grand poids pour les amiraux alliés, lorsqu’au mois de janvier 1862 les rebelles menacèrent Shang-haï. Les renters, convoqués, déclarèrent d’un commun accord que les armées taï-pings étaient dangereuses pour les intérêts accumulés dans les concessions. Les amiraux, qui, sans ordres de leurs gouvernemens, avaient hésité sur le parti à prendre, se mirent alors résolument à l’œuvre, et Shang-haï, menacée du sort de Ning-po et de tant d’autres villes chinoises, leur dut son salut et le maintien de sa prospérité. Aussi, plus tard, le cortège qui conduisit à leur dernière demeure les restes de l’amiral Protet réunit-il tous les résidens étrangers, qui voulurent saluer d’un dernier adieu de reconnaissance le Français mort en les défendant. Si les sujets du roi Commerce observent fidèlement ses lois, qui prescrivent l’union commune, il faut reconnaître qu’il sait les récompenser de leur obéissance. En compulsant les registres des douanes pour l’année 1862, on voit que les importations se sont élevées au chiffre de 503,398,275 fr., et les exportations au chiffre de 366,685,125 fr. Quant au mouvement des navires, il représente une entrée de 725,000 tonnes et une sortie de 410,000. Ces renseignemens permettent de se former un jugement sur la prospérité et l’avenir de Shang-haï.

C’est avec une vive émotion que le voyageur français, fatigué de n’avoir vu, depuis Suez jusqu’à l’extrême Orient, d’autre pavillon que le pavillon anglais, aperçoit, en arrivant à Shang-haï, les couleurs du drapeau de son pays; c’est avec bonheur qu’il voit la France occuper une place digne d’elle dans ce centre d’activité commerciale. Notre concession compte environ trois cents Européens et quarante mille Chinois. Cette dernière partie de la population se compose principalement, comme dans tout le reste de Shang-haï, d’infortunés que les Taï-pings, le fer et la flamme à la main, ont chassés de leurs demeures. Dans la ville même, les réfugiés sont restés pour ainsi dire en camp volant, sans reprendre les affaires, et se tenant prêts à retourner au premier signal vers la maison qu’ils ont abandonnée; mais, dans les concessions, trouvant de très grandes facilités pour reprendre le commerce, à l’abri des