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les portes des remparts devant les étrangers. Des soldats de notre bataillon d’Afrique travaillent à l’instruction des troupes chinoises, dont s’occupaient déjà les soldats anglais. Enfin nos missionnaires ont obtenu le plus beau terrain de la ville, celui où s’élevait le palais du célèbre vice-roi Yeh, et ils y construisent une vaste cathédrale. Dans d’autres ports, tels que Tien-tsin dans la province du Pe-tche-li et Hunn-kao sur le Yang-tse-kiang, la France a une représentation politique et religieuse semblable à celle de Canton; mais son commerce ne s’est établi solidement qu’à Shang-haï et à Hong-kong.

Les derniers traités, en augmentant le nombre des ports ouverts au commerce étranger, ont accru considérablement le chiffre des importations, qui atteint aujourd’hui 200 millions de francs. Ce commerce porte sur les draps, les cotonnades, les fers, les articles de Paris, etc. La part qu’y prennent les Français, malgré les progrès de ces dernières années, est bien loin d’égaler celle des autres nations[1]. Si l’on en excepte les articles de Paris, les essais tentés pour importer nos produits n’ont donné que de médiocres résultats. Le Chinois est essentiellement routinier; lorsqu’il est habitué à une marchandise, il la veut toujours du même prix, de la même forme, de la même dimension : pour lui, la qualité est peu de chose, le bon marché fait tout. Si nos fabricans veulent réussir dans ce pays, ils sont donc obligés de livrer des produits semblables à ceux qu’y introduisent les Anglais et les Américains, et surtout de ne pas les offrir à un prix supérieur. Les fabriques de Rouen et de Mulhouse peuvent trouver là un important débouché pour leurs draps et leurs cotonnades, mais à la condition de profiter de la liberté du commerce pour établir à peu de frais les étoffes qu’elles destineront à cette partie du monde. Il faudrait aussi imiter les Anglais, si, comme il en est question, l’on fondait une entreprise de colonisation pour la Nouvelle-Calédonie; il faudrait, comme eux, ne se servir que d’agens sûrs et habiles, disposant de moyens considérables, et installer, à leur exemple, un établissement permanent qui restât pour les familles des émigrans comme une garantie des engagemens pris envers eux.

Un autre genre de transaction a créé depuis peu de temps à Shang-haï des fortunes considérables. La piraterie, qui désole sur plusieurs points les côtes de la Chine, les rendant impraticables aux jonques du pays, ce sont les navires étrangers qui font le cabotage

  1. Les plénipotentiaires anglais, après la prise de Pékin, ne cachèrent pas à leurs collègues qu’ils ne tenaient pas à une indemnité de guerre, par la raison que l’accroissement donné au commerce de leurs nationaux ne tarderait pas à les indemniser largement.