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d’un port à l’autre; ce sont aussi des navires étrangers qui apportent les produits du Japon, du Siam, de Bornéo, de l’Australie, des Indes et de Java. Les comptes des douanes élèvent tout ce mouvement de marchandises à 800 millions de francs. Il n’est pas possible sans doute aux négocians français, nouveau-venus et prudens jusqu’à la timidité, de se lancer dans d’aussi vastes opérations, qui demandent de larges capitaux, de l’audace et beaucoup de confiance dans le succès; mais il est utile qu’ils voient le but à atteindre et les bénéfices qu’ils peuvent espérer. Déjà ils luttent sur bien des points avec les maisons rivales, et deviennent d’autant plus entreprenans que le nombre de leurs compatriotes augmente tous les jours. On commence en effet à ne plus redouter cette traversée de France en Chine, qui semblait si difficile autrefois. Les Messageries impériales, rivalisant avec la Compagnie péninsulaire, l’accomplissent en quarante et quelques jours. C’est, par un temps favorable, le voyage le moins pénible et le plus intéressant qu’on puisse imaginer. De nombreuses relâches reposent des fatigues de la mer : Messine, Alexandrie, le Caire, Suez, Aden, Pointe-de-Galles, Singapore, Saigon, Hong-kong, font tour à tour connaître aux passagers l’Italie, l’Egypte, l’Arabie, Ceylan et la Cochinchine. Notre ministre du commerce, pour favoriser les jeunes gens qui présentent des garanties suffisantes, a plus d’une fois assuré leur passage à prix réduits; des maisons importantes envoient des agens étudier à Shang-haï les ressources et l’état du pays; nos négocians en soieries commencent à ne plus aller acheter leurs marchandises sur la place de Londres, les recevant dans leur résidence même par la voie des Messageries impériales, ou les faisant acheter par leurs représentans en Chine. Il est donc permis d’espérer que des rapports de jour en jour plus directs et plus nombreux s’établiront entre la France et le Céleste-Empire.


II.

La faiblesse du cabinet de Pékin et son impuissance à sauvegarder les intérêts des Européens ont mis les deux nations alliées, la France et l’Angleterre, dans l’obligation de se charger elles-mêmes de la protection de leurs négocians établis sur le sol chinois. Elles ont pour cela procédé de deux manières : directement, en écartant le danger avec leurs propres armes là où elles étaient menacées, comme à Shang-haï et à Ning-po; indirectement, en donnant au gouvernement impérial des agens à elles, chargés de l’assister, soit dans la formation de ses troupes, soit dans la collection de ses revenus. Personne ne doutera sans doute qu’elles n’aient trouvé dans