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programme de l’expédition, qui avait pour but de chasser les rebelles du gouvernement de Ning-po, c’est-à-dire d’une étendue de territoire formant autour de cette ville une circonférence de soixante lieues environ. Ce territoire est borné au nord par un fleuve dont l’embouchure forme une baie large et profonde, appelée la baie de Hong-tcheou, du nom de la capitale de la province; les rebelles une fois refoulés au-delà de cette baie, elle deviendrait contre eux une barrière qu’ils seraient incapables de franchir. Le pays qu’il s’agissait de conquérir est divisé en deux parties égales par une petite rivière que nous appellerons rivière de Shang-yu, du nom de la ville qui l’avoisine : elle laisse du côté de Ning-po six villes murées; de l’autre côté de la rivière, il n’y en a que quatre, mais entre elles est une préfecture considérable, appelée Shao-shing. La manière dont les rebelles font la guerre nous traçait le plan que nous devions suivre : il fallait longer le large canal qui arrive à Ning-po, prendre les deux villes de Yu-yao et de Shang-yu, qu’il baigne dans son cours, et dont la chute entraînerait l’évacuation des autres, marcher ensuite droit à la rivière, s’emparer des abords, et forcer ainsi l’ennemi à la franchir au plus vite dans la crainte d’être coupé dans sa retraite. Le contingent s’avança donc sur Yu-yao. Il était secondé par quatre cents hommes du bataillon de Ward et par deux mille soldats impériaux. Deux canonnières, l’une anglaise, l’autre française, étaient chargées de les appuyer de leur artillerie ; mais les amiraux avaient défendu de mettre à terre un seul marin. Les débuts de l’attaque ne furent pas heureux. Il s’agissait d’enlever un pont fortifié, puis de s’emparer d’une montagne, également fortifiée, qui dominait la ville, et d’où l’on menacerait les rebelles assez sérieusement pour les forcer à prendre la fuite. Deux fois les réguliers se lancèrent sur le pont : accueillis par un feu terrible, ils ne purent avancer, et eurent dans cette attaque quinze hommes tués et cinquante blessés ; des treize instructeurs, un périt, et six autres furent atteints. Le lendemain, les rebelles, enhardis par le succès, firent une sortie: mais les réguliers, furieux de leur échec de la veille, se précipitèrent sur eux, les mirent en fuite, les poursuivirent la baïonnette dans les reins et entrèrent avec eux dans la ville. Une heure plus tard, les Taï-pings s’étalaient en une longue bande noire dans la campagne : Yu-yao nous appartenait (juillet 1862).

A. la suite de cette affaire, ce fut vainement que Ward essaya de prouver aux mandarins qu’il avait seul le droit, en sa qualité de Chinois, de former des troupes : le contingent français fut élevé à mille hommes et reçut des subsides; il fut reconnu officiellement par le gouvernement de Pékin, qui délivra à l’un des fondateurs