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Si vous avez de l’argent à employer aux intérêts publics, contribuez plutôt aux frais de la guerre. » Le lendemain, un satellite des mandarins se présenta chez eux et leur fit rédiger un bon de souscription volontaire, dont il fixa lui-même le montant, qui était très élevé. Il fallut que les autorités alliées intervinssent pour faire disparaître les cadavres. Les notables de Shang-yu, abrités sous le nom de l’évêque, n’eurent pas à redouter l’avidité des mandarins en venant au secours des pauvres, et la misère disparut peu à peu de la ville. Comme l’hiver était rude et le riz cher partout, les notables des districts voisins vinrent prier Mgr Delaplace d’installer dans leur pays des fourneaux semblables à ceux de Shang-yu. L’excellent évêque se rendit à leur désir, et cette bonne œuvre, maintenant de fondation chez eux, porte le nom d’œuvre des « fourneaux de l’évêque. »

La ville de Shang-yu avait été prise le 27 novembre 1862. Les réguliers n’y restèrent pas longtemps en repos; au bout de quinze jours, ils se portèrent sur les bords de la rivière, que les rebelles venaient de repasser dans le dessein de tenter une nouvelle invasion du pays. Après quelques escarmouches chaudement menées de notre côté, l’ennemi s’enfuit une seconde fois sur l’autre rive. Les mandarins recueillirent alors, par des taxes et des souscriptions volontaires, quelques fonds dans le territoire reconquis; on paya les troupes; les officiers, qui depuis quatre mois n’avaient touché aucun traitement, reçurent un mois de solde : c’est tout ce qu’ils purent obtenir. Les mandarins, entêtés dans leurs vieilles habitudes et jaloux des progrès de notre contingent, avaient conservé plusieurs milliers de leurs braves, et épuisaient leurs ressources à faire fabriquer pour ces tristes soldats des fusils à mèche, des sabres doubles et des boucliers, tandis que les rebelles ne se servaient plus que de carabines et de fusils à percussion. Il fallait aussi donner une part des revenus aux réguliers du capitaine Dew. Le corps franco-chinois ayant manifesté l’intention d’entreprendre une nouvelle campagne, les mandarins se contentèrent de lui envoyer quelques miniers de cartouches, et l’on ne put en obtenir rien de plus. Les commandans prirent alors le parti d’acheter à crédit, au moyen de bons signés par eux-mêmes, tout ce dont ils avaient besoin. Cet expédient était dangereux, et ils s’exposaient, si l’expédition n’était pas couronnée par le succès, à voir toutes ces créances leur rester sur les bras; mais il n’y avait pas d’autre parti à prendre, et la réussite qu’il espéraient devait les conduire au milieu des districts de soie, c’est-à-dire dans une des parties les plus riches de la Chine, où ils trouveraient amplement des ressources pour tout rembourser. Les préparatifs furent poussés activement, et le 15 jan-