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vestales sous la main pour dissiper l’orage, le comte de Saxe, dans un siècle où un pareil secours pouvait devenir un peu… (mot illisible), le comte de Saxe, dis-je, trouvera dans l’entremise de la cour russienne de quoi conjurer l’orage d’une façon ou d’une autre. Enfin, madame, vous en serez quitte, selon toute l’apparence, pour un peu d’inquiétude et d’alarme, en quoi la distance des objets aura eu plus d’influence que l’importance de la réalité. »


Voilà donc, et de l’aveu d’un ministre du roi de Pologne, à quoi se réduit cette proscription du comte de Saxe. Il est évident que le roi joue un double jeu. Si Flemming a voulu tromper son maître et l’engager dans des mesures violentes contre Maurice, Frédéric-Auguste se moque de son ministre. Tout en laissant faire la diète de Grodno, en feignant même de partager ses colères, il espère bien que les Courlandais auront réponse à tout. C’est le sentiment du roi que M. de Watzdorf a exprimé dans la lettre qu’on vient de lire. À ce moment-là même, M. de Manteuffel écrivait au chargé d’affaires saxon à Saint-Pétersbourg : « Dites bien au baron Ostermann que notre inaction ne doit pas être interprétée comme un désaveu du comte de Saxe ; nous désirons plutôt son succès, pourvu que la chose puisse se faire sans que le roi y paraisse. » Manteuffel ajoute que le roi a les mains liées par l’opposition de la noblesse polonaise, qu’il a été même forcé d’écrire à la tsarine, au nom de la république, pour la prier d’intervenir dans les affaires de Courlande et de désigner le coadjuteur du duc Ferdinand. La lettre officielle est pour les seigneurs polonais ; c’est à Ostermann d’en compléter le sens pour la tsarine. Ce coadjuteur du duc Ferdinand désigné par la Russie, le roi de Pologne demande que ce soit le comte de Saxe. Ceux qui ne sont pas initiés à tous ces secrets ne peuvent comprendre que Maurice, sans armée, sans argent, soutenu par une noblesse courageuse, mais dénuée de ressources, ayant contre lui son père, le ministère saxon, les états de Pologne, menacé de quelque intervention périlleuse du côté de la Russie ou de la Prusse, proscrit enfin et exposé aux coups des fanatiques, s’acharne obstinément à cette lutte impossible. Un Français, M. de Brosses, ayant écrit à un diplomate russe, M. le comte de Flodrof, pour l’interroger à ce sujet, a il est difficile, répond le diplomate, de se former une idée de son entreprise quand on voit les déclarations et les ordres de sa majesté. On s’y perd. »

La doyenne de Quedlinbourg, mieux informée de la situation grâce aux confidences de M. de Watzdorf, s’était empressée de rassurer son fils et de lui conseiller la prudence. « Je vous remercie de vos conseils, écrit Maurice à Mme de Kœnigsmark (28 décembre). Vos idées sont les miennes. Ma position s’est fort améliorée depuis que les Russes se sont déclarés pour les Courlandais. Ils ont signifié