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qu’il avait fait construire et qui existe encore ; il occupait ses loisirs à visiter l’exploitation des carrières de marbre, les travaux des mines de plomb et d’argent qu’il avait fait également rouvrir.

Au règne de Cosme Ier succédèrent des règnes moins glorieux, moins favorables aux beaux-arts et aux carrières de l’Altissimo. Ces gîtes avaient d’ailleurs à lutter contre des difficultés d’extraction et de transport presque insurmontables à cette époque ; aussi tombèrent-ils pour la seconde fois dans l’oubli. Les choses en étaient là quand, vers le milieu du dernier siècle, puis vers le commencement de celui-ci, on songea derechef à l’Altissimo. M. Borrini de Seravezza et MM. Henraux, soutenus du reste et encouragés par la protection éclairée du grand-duc Léopold, et indirectement favorisés par les entraves que le gouvernement, voisin de Modène apportait à l’exploitation des marbres de Carrare, tentèrent une épreuve qui fut décisive. En 1840, une société anonyme réussit enfin à se constituer sur de larges bases, avec des ressources assurées, pour l’extraction des marbres de l’Altissimo. Cette exploitation, dont la marche n’a cessé d’être progressive, est aujourd’hui si prospère qu’on peut prévoir le moment peu éloigné où les marbres statuaires de l’Altissimo auront le pas sur ceux naguère si vantés de Carrare. De la carrière de Michel-Ange, connue sous le nom de la Vincarella, nous passâmes à celle de la Piastra, puis nous visitâmes celle de la Polla. Cette dernière a pris son nom d’une source d’eau vive fort abondante, qui sort d’une petite grotte voisine. La nappe s’échappe en bouillonnant entre deux lits de calcaire, comme la fontaine de Vaucluse. À chaque pas, dans ces montagnes, des phénomènes naturels du plus gracieux effet viennent ainsi embellir le paysage. On a déjà vu que c’est de la Vincarella et de la Polla qu’ont été tirés, en même temps que de Falcovaja, les 2,000 mètres cubes de marbre commandés par la Russie pour la cathédrale de Saint-Pétersbourg. C’est aussi de la Polla qu’a été extrait récemment le bloc réclamé par Florence pour la statue de Dante, hommage tardif que cette cité rend au grand poète. Ce bloc, au sortir de la carrière, ne cubait pas moins de 2,000 palmes et pesait par conséquent 80,000 kilog.[1]. Grâce à la pente du chemin, il fut descendu sur un traîneau jusqu’à Seravezza. Il était retenu par de gros câbles attachés derrière le bloc et enroulés sur des poteaux ménagés, de distance en distance. La corde se déroulait peu à peu à mesure que

  1. Le palme est une ancienne mesuré d’Italie dont on se sert exclusivement aujourd’hui dans le commerce des marbres. Le palme linéaire de Gènes, le seul adopté, vaut environ 0m25 ou un quart de mètre ; il faut donc 64 palmes cubes pour faire un mètre de volume. Le mètre cube de marbre est estimé en moyenne à, 2,650 kilogr., soit un peu plus de 41 kilog. au palme.