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cent mille palmes[1] au moins (soit, en nombre rond, 60,000 tonnes), dont au plus un cinquième ou un sixième pour la production de Massa et de Seravezza réunies, cette dernière ville d’ailleurs primant Massa de beaucoup. En prenant donc douze cent mille palmes pour la part afférente à Carrare, ce serait une somme de 3,600,000 fr. répandue dans le pays. Le statuaire, le marbre blanc clair et ordinaire, le blanc bleuâtre, sont les seules qualités qu’on rencontre ; le bardiglio commun ou fleuri et la brèche manquent complètement. La moyenne du prix qu’on paie aux entrepreneurs est de 2 fr. 50 c. à 3 fr. le palme rendu à la marine. Sur ce prix, le transport entre en moyenne pour 1 franc. En somme, chacun est satisfait, personne ne se plaint. L’ouvrier est heureux, le patron s’enrichit, et tout le monde vit des marbres. Carrare compte quinze mille habitans, et dans ce nombre pas un malheureux. La population augmente encore tous les jours. En prenant le quart à peu près du chiffre de l’extraction à Carrare, on aura celui de Seravezza et de Massa ; mais cette dernière localité est encore de beaucoup la moins importante : elle est cependant en grand progrès depuis quelques années, et l’on y compte de magnifiques établissemens de marbrerie.

La plus belle de toutes les scieries de Carrare appartient à un Américain, M. Walton : elle ne renferme pas moins de douze châssis pouvant marcher à la fois et portant jusqu’à trente lames chacun. Les blocs sont amenés sous les châssis sur des rails. Un filet d’eau, promené au-dessus de chaque scie par un mécanisme automatique, arrose dans son mouvement de va-et-vient la surface supérieure des blocs, empêchant ainsi réchauffement du fer contre le marbre. Une roue hydraulique noyée, à réaction, en un mot une turbine du système le plus perfectionné, met toutes les scies en mouvement. Tout cet ensemble est disposé dans un vaste bâtiment, bien dessiné, sous une élégante charpente.

À Massa, à Seravezza, on rencontre également de fort belles scieries, mais les principaux produits de Seravezza sont les marmetti ou carreaux de marbre pour parquets. L’ouvrier les prépare bruts à la carrière, en frappant à la masse sur le petit côté des blocs, de manière à les fendre en longueur. Les blocs ainsi travaillés sont ceux d’ailleurs qui présentent déjà des fissures ou des joints naturels, mais il n’en faut pas moins une très grande habileté pour détacher les pavés. Le coup d’œil pratique du carrier lui fait deviner les plus imperceptibles fissures, dont il sait très bien profiter. Les carreaux sont ensuite refendus en largeur avec le ciseau, et amenés

  1. On sait qu’il faut 64 palmes pour faire un métro cube, et que le mètre cube pèse 2,650 kilogrammes ou 2 tonnes 2/3.