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socles de pendules, des dessus de table, des coupes. Aucun autre pays que Carrare, Massa et Seravezza n’expédie de marbres blancs ou bleus. Les carrières jadis si fameuses des Grecs sont depuis longtemps épuisées, ou du moins n’attirent plus l’attention de l’Occident. Quant aux anciennes carrières que les Romains et avant eux les Étrusques avaient également exploitées en Italie en même temps que celles de Carrare, par exemple à l’île d’Elbe et à Campiglia (dans la Maremme toscane), on a vainement essayé de les reprendre. Plus d’une fois on a voulu rouvrir des travaux à Campiglia, où toutes les variétés de Carrare et de Seravezza se retrouvent. Le marbre statuaire y est aussi beau, plus beau même en certains filons, puisqu’il rappelle, par sa texture lamelleuse et sa translucidité sur les bords, le marbre de Paros, qui donne aux chairs tant de morbidezza, mais ces travaux n’ont pas réussi, bien que les difficultés de transport soient moindres à Campiglia qu’à Carrare. Cosme Ier d’abord, puis une société livournaise il y a quelques années, ont successivement échoué. Aujourd’hui une nouvelle compagnie vient de se former. Sera-t-elle plus heureuse que ses aînées ? Pour notre part, nous croyons qu’une industrie comme celle des marbres, assurée à Carrare par une durée de vingt siècles, ne peut être ainsi déplacée tout à coup.

En Afrique, à Filfila, de magnifiques veines de statuaire, jadis largement excavées par les Romains, ont également tenté, mais sans plus de succès, les efforts d’une société d’exploitans. Malgré le droit énorme de près de 50 francs la tonne qui pesait alors sur l’entrée des marbres en France, droit dont les marbres de Filfila avaient été exonérés, la société africaine n’a pu tenir contre la concurrence de Carrare. Le gouvernement italien fait du reste tous ses efforts pour encourager le commerce et l’exploitation des marbres. Tous les droits plus ou moins onéreux qui grevaient l’exploitation sous le dernier gouvernement ont été supprimés. De plus, aucune loi, aucun règlement administratif, aucune surveillance gênante de la part de l’état, n’apportent de restriction au travail libre des carrières[1]. Dès que le chemin de fer sera terminé jusqu’à la Spezzia (et ce moment n’est pas éloigné), dès qu’un embranchement sur Carrare, qui

  1. Les droits de douane à la sortie des marbres et les droits de péage pour l’entretien des routes ont été réduits au minimum à 2 fr. la tonne de 1,000 kilog., soit environ 5 fr. le mètre cube. En signant récemment le traité de commerce avec la France, le roi d’Italie a de plus demandé la suppression des droits énormes qui grevaient chez nous, à l’entrée, les marbres statuaires de Carrare, comme si nous avions eu quelque exploitation rivale à protéger. Aujourd’hui ces marbres sont exempts de tous droits, et l’on ne paie plus à Marseille que 10 fr. la tonne pour l’entrée des autres qualités. Le fret de Carrare à Marseille est encore assez élevé : de 16 à 20 francs la tonne, suivant les cas.