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comme s’il eût voulu donner à ses sujets un nouveau gage de son libéralisme.

C’est par des qualités si diverses que la nouvelle dynastie s’est affermie sur le trône, et l’union de ces princes avec la nation portugaise s’est si bien resserrée que pas un danger désormais ne semble menacer les destinées de cette famille. Lorsqu’au mois de novembre 1863 dom Luiz Ier voulut présenter à ses provinces du nord la mère du prince royal nouveau-né, la jeune Italienne put voir de ses propres yeux combien elle était elle-même une espérance pour le peuple.


III

Pour connaître sous tous ses aspects la vie portugaise, c’est à Coïmbre et à Porto, la ville universitaire et la ville marchande, qu’il faut aller après le séjour de rigueur à Lisbonne. Grâce aux soins du roi dom Fernando pendant sa régence, la route de Lisbonne à Coïmbre et à Porto est desservie par des malles-postes qui sont presque somptueuses avec leurs armoiries royales et leurs fougueux attelages de chevaux anglais ou normands. On traverse Caldas da Reinha, renommée par des eaux sulfureuses qui attirent beaucoup de danseurs et quelques malades ; Alcobaça, dont le monastère a été si célèbre ; Leiria, qui montre encore les ruines du château du roi Denis, o rey lavrador (le roi laboureur), et on arrive à Coïmbre après vingt-quatre heures d’un voyage agréable. J’avais dans cette excursion deux compagnons de route, un Anglais de très haute taille, désespéré de ne pouvoir pénétrer dans la voiture son chapeau sur la tête, et un jeune étudiant de l’université, bachelier de fraîche date. Le jeune Portugais nous donna plus d’un détail curieux sur son pays, et si le flegme questionneur de l’insulaire ne l’eût déconcerté, il nous en eût dit bien davantage. S’agissait-il des couvens à la vue d’Alcobaça : « Combien y en a-t-il en Portugal ? demandait aussitôt l’Anglais. Quel est le nombre des moines, des nonnes ? quelles richesses possèdent les monastères ? » En traversant certains villages, l’aspect maladif et fiévreux de la population nous frappa. Voici ce que nous dit à ce sujet le jeune Portugais : « Ces contrées étaient autrefois très saines ; mais on a eu l’idée de nous persuader que le Portugal payait sous forme de riz un fort tribut à l’étranger. Vous aurez déjà remarqué notre goût national pour le riz. Aussitôt des rizières furent cultivées ; quelques personnes ont ainsi réalisé de gros bénéfices, et nous n’achetons plus de riz à l’étranger. Désormais il ne nous reste qu’à exporter nos fièvres. — Combien dépensez-vous en quinine ? demanda l’Anglais. — Je n’en sais rien, répondit l’étudiant ; je sais seulement que le gouvernement nomma, il