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de Santa-Clara, la jeune fille confiait ses messages amoureux au courant d’un ruisseau que l’on nomme la Fontaine des amours. C’est dans la Quinta das lagrimas, le jardin des larmes, que le royal amant dom Pedro attendait les déclarations brûlantes de la recluse. Ce lieu est devenu la promenade habituelle des jeunes étudians, et plus d’un poète moderne de la Lusitanie a trouvé sous les cèdres séculaires de la Quinta ses plus fraîches inspirations.

On dit que l’enseignement de cette université serait susceptible d’améliorations, je le croirais volontiers ; mais quand cette question s’agite, la discussion porte beaucoup moins sur le mérite des méthodes que sur les franchises de l’élève et les droits du maître. Le professeur qui dispose d’une grande autorité se montre-t-il sévère avec ses disciples, on crie à la réaction, l’académie entière s’émeut aux récits des mésaventures d’un camarade, le mécontentement de la jeunesse est signalé au recteur, et celui-ci n’a plus qu’à déguerpir. Coïmbre, comme toutes les villes en Portugal, possède un grand nombre de journaux ; ceux-ci prennent fait et cause dans le débat, et la guerre s’allume, s’il y a résistance. Ces querelles cependant sont de peu de durée, on finit toujours par s’arranger en famille. Pour réformer d’ailleurs, il faudrait sévir. Sévir ! mais ce serait provoquer une révolution : professeurs et parens se soulèveraient contre l’audacieux qui oserait prononcer une telle parole. Coïmbre est pour tous le souvenir des folies d’hier, c’est la ville où s’est passé le beau temps de la jeunesse. Combien de générations ont pris leurs ébats dans les rues da Sofia et du Vizconde da Luz ! Pouvoir se dire bacharel formado, comme qui dirait docteur, après avoir passé quelques années dans la patrie du fado, cette danse si chère à l’étudiant, cette danse pour laquelle chacun a composé ses plus joyeux couplets, en faut-il davantage ?

En supposant au reste que l’enseignement de Coïmbre ne fût point en rapport avec les besoins des sociétés modernes, il faut convenir que cette école a fourni pendant les cinquante dernières années tout un ensemble d’intelligences qui feraient honneur à plus d’un grand pays. Dans notre ignorance de la langue, nous lisons une stance traduite de Camoëns, et nous croyons connaître la littérature portugaise ; nous ne nous doutons même pas qu’il existe des écrivains comme Almeida Garrett, Feliciano de Castillo et Alexandro Herculano, qui, s’inspirant des idées modernes, ont créé en Portugal toute une école nouvelle. Le premier, mort en 1854, a surtout réussi dans le roman ; Castillo, un poète aveugle, a rajeuni les traditions lyriques de la muse des Luziades ; Herculano enfin a renouvelé l’histoire nationale, et on lui doit des chroniques où une exactitude scrupuleuse s’allie à une forme vivante et dramatique. Autour de cette triple