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Beni-Mora, fondé en 1852, dirigé d’abord par M. Jamin et actuellement par M. Bechu. Situé dans une plaine découverte, séparé de l’oasis, composé de terrains qu’il faut dessaler avant de les mettre en culture, sans abri contre les vents, il ne réalise pas toutes les conditions d’un établissement de ce genre ; mais d’un autre côté il offre cet avantage, que toute culture qui réussira à Beni-Mora doit être considérée comme acquise au Sahara. M. Cosson visita ce jardin en 1853, et y trouva déjà un certain nombre de plantes qu’on peut regarder comme naturalisées. Je citerai les différentes espèces d’acacia qui fournissent la gomme arabique en Égypte et au Sénégal[1], le bel arbre qui orne les promenades du Cake[2], le cassis[3], si employé en parfumerie, les mûriers, le peuplier blanc, le saule pleureur, le cyprès, l’azedarach, plusieurs espèces de bambous[4], et le bananier. J’y ai vu, dix ans après M. Cosson, le papayer[5], qui donne des fruits dans le Soudan, précieuse acquisition, s’il résiste aux légères gelées de l’hiver, l’acacia d’Adanson, formant une magnifique allée, le cotonnier en arbre, s’élevant à 3 mètres, le bois à chique[6], le baquois[7], et deux beaux arbres de la famille des Légumineuses, le Moringa[8]), voisin des féviers, et leSesbania du Sénégal, à fleurs jaunes tachetées de noir[9]. Ces essais méritent d’être encouragés, car, si la culture des plantes tropicales a peu de chances de réussite dans la région littorale de l’Algérie, le succès est probable dans les Zibans pour toutes celles qui peuvent s’accommoder d’un terrain salé et supporter les longues sécheresses du Sahara.

Biskra devait être le terme de mon voyage, je voulais réaliser un désir qui m’obsédait depuis longtemps : voir le désert. Au milieu des montagnes de l’Engadine[10], — sans doute par un effet de contraste, — ce désir était devenu un projet bien arrêté ; je le communiquai à deux amis, M. Desor, professeur de géologie à Neuchâtel, et M. Escher de la Linth, fils du célèbre ingénieur, qui, rectifiant le cours de la Linth pour la jeter dans le lac de Waldenstadt, a assaini tout le pays compris entre ce lac et celui de Zurich. Ces deux savans voulurent bien se joindre à moi. Nous nous embarquâmes pour

  1. Acacia nilotica, A. verek, A. arabica.
  2. Acacia Lebbeck.
  3. Acacia farnesiana.
  4. Bambusa Thouarsii, arundinacea, varigata, mitis, verticillata, scriptoria.
  5. Carica papaya.
  6. Cardia domestica.
  7. Pandanus utilis.
  8. Moringa pterygosperma.
  9. Sesbania punctata.
  10. Voyez la Revue du 15 mars 1864.