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latitude et dessinant très bien, avec le chott-el-Grarnis, le contour de l’extrémité orientale du golfe saharien.

Si l’Atlas avait la hauteur et la largeur des Alpes ou de l’Himalaya, des neiges éternelles blanchiraient pendant une grande partie de l’année tous les sommets élevés au-dessus de 3,500 mètres, de puissans glaciers rempliraient les cirques voisins des crêtes et descendraient dans les vallées, les torrens éphémères seraient des fleuves roulant des eaux d’autant plus abondantes que la chaleur serait plus forte et la fusion des glaces plus active. Les nuages amenés de la Méditerranée par les vents du nord-ouest, arrêtés par ces sommets neigeux, se résolveraient en pluie ; les pertes causées par l’évaporation eussent été réparées, le golfe saharien ne se serait pas desséché, et le désert n’existerait pas. Les mers, comme les êtres organisés, ont leurs conditions d’existence. Qu’elles viennent à être supprimées, la plante ou l’animal meurt, la mer s’évapore, et le désert la remplace.


III. — LES FORMES DU DESERT.

Le mot de désert réveille l’idée d’uniformité : l’association d’idées n’est pas exacte. Uniforme dans l’espace que le regard embrasse, le désert n’est pas uniforme, si on l’étudie même dans une étendue limitée comme celle que nous allons décrire. Il affecte trois formes principales reconnues par M. Desor et adoptées par nous : le désert des plateaux, — le désert d’érosion, — le désert de sable.

Le désert des plateaux ou le steppe saharien, c’est la surface unie que nous avons aperçue du col de Sfa avant d’atteindre Biskra. Des couches horizontales d’argile et de gypse ou sulfate de chaux se sont déposées sur les bords de la mer saharienne. Le gypse supérieur à l’argile se compose de plaques juxtaposées simulant un dallage régulier : je l’appellerai gypse pavimenteux. Il revêt la surface de vastes plateaux qui n’ont point été entamés par les eaux : que ce soient des courans marins à l’époque où le Sahara était une mer, ou des torrens diluviens descendant des montagnes après l’émersion, peu importe ; le gypse, résultat de la forte évaporation de la mer saharienne, a résisté et forme les plateaux dont nous parlons. La surface en est si unie que des voitures pourraient rouler pendant des lieues sur ce pavé naturel qui résonne comme une voûte sous les pieds des chevaux, Un plateau de ce. genre, le petit désert de Mourad, s’étend depuis Biskra jusqu’aux berges du grand lac salé, le Chott-Melrir des Arabes. La surface du gypse n’est pas partout à nu ; le plus souvent elle est