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mais il ne forme que dans les vallées des surfaces continues et dénudées, comme sur les déserts en plateaux ; rarement pavimenteux, il se montre sous la forme de cristaux de figures variées et pénétrées de silice, rhomboèdres, mâcles, fers de lance, cristaux lenticulaires. Il n’y a point d’autres pierres. Vous ramassez un caillou, c’est un cristal. Les villages sont entourés d’enceintes crénelées bâties en cristaux, les murailles des maisons le sont également : elles supportent un plafond formé de troncs de palmiers juxtaposés horizontalement, ou bien un dôme en plâtre moulé sur une charpente de feuilles de palmiers entre-croisées. Rien de plus pittoresque que l’aspect de ces villages fortifiés, surmontés de dômes d’une blancheur éblouissante : ils ressemblent à des ruches d’abeilles pressées les unes contre les autres. Seul, le minaret de la mosquée ou un palmier isolé s’élève au-dessus du niveau général et signale de loin le village, caché dans les replis des dunes qui l’entourent.

Quand le sable conserve une certaine fixité, grâce au gypse qui le maintient, la végétation n’est point complètement éteinte. On retrouve çà et là quelques spécimens de la flore des plateaux, en particulier les Retama et les Ephedra ; mais deux plantes caractérisent spécialement le Souf : c’est une grande graminée qui élève à 2 mètres au-dessus du sable ses longues feuilles linéaires, balancées par le vent, le drin[1], si recherché par les chameaux, et l’ézel[2], arbrisseau de la famille des Polygonées, voisin, dans la classification, du blé sarrasin et des renouées. Sa hauteur totale est d’un mètre environ. D’un tronc ligneux partent de longues racines s’étendant à 4 ou 5 mètres et le plus souvent déchaussées ; le tronc porte des branches noueuses terminées par de nombreux rameaux verts, cylindriques et sans feuilles, qui se détachent et tombent pendant l’hiver. Tous ces arbrisseaux, ainsi que les Ephedra, étaient inclinés vers le sud-est, et nous indiquaient que le nord-ouest est le vent régnant du désert. Ils nous rappelaient, par leurs formes et leur allure penchée, ces pins rabougris des Alpes et des Pyrénées, que le vent et la neige courbent tous dans le même sens, et appliquent quelquefois contre les rochers, sur lesquels leurs branches se moulent en s’étalant. Le sable est la neige du Sahara : quand il n’est plus retenu par des surfaces gypseuses et devient le jouet du moindre souffle de vent, alors toute végétation disparaît, le désert est nu et dépouillé. Rien de plus morne que cet aspect. Ces dunes jaunâtres, qui se succèdent uniformément jusqu’à l’horizon, semblent les replis d’un vaste linceul étendu à la surface de la terre. On fré-

  1. Aristida pungens.
  2. Calligonum comosum.