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L’ELDORADO BRÉSILIEN
ET
LA SERRA-DAS-ESMERALDAS

Lorsqu’après avoir franchi la cordillère maritime qui borde la baie de Rio-Janeiro et traversé la riante vallée du Parahyba en suivant la route d’Ouro-Preto, on aborde les premiers échelons de la chaîne d’Espinhaço (Serra de Espinhaço), la végétation commence à changer d’aspect. La flore des tropiques disparaît peu à peu devant des espèces nouvelles. Plus on s’enfonce dans l’intérieur, plus le paysage devient sévère. Le capim gordura, espèce de graminée parasite qui fait le désespoir de l’agriculteur, a remplacé la forêt vierge. De toutes parts ces terres bouleversées et à physionomie stérile indiquent un sol où a passé la dévastation. Si, prenant à droite, on s’achemine vers la ville de Tijuco, la contrée paraît encore plus triste. Ici les montagnes ne sont plus que des pitons aigus et escarpés, la nature devient franchement sauvage et nue. On dirait que le soleil est impuissant à féconder cette terre. Il n’en est rien cependant, et jadis cette même argile rougeâtre était recouverte d’une riche et plantureuse végétation. Malheureusement il y a près de deux siècles que les conquistadores ont porté le feu dans ces masses épaisses afin de pouvoir mieux fouiller les entrailles du sol. Ces pics décharnés renfermaient dans leurs flancs les cailloux diaphanes qui, taillés par l’industrieuse Hollande, forment les plus précieuses parures des femmes. Les ruisseaux qui descendaient de ces collines roulaient dans leurs sables des pépites d’or. Tout ce pays si âpre et si triste, c’est l’ancien Eldorado brésilien, c’est la