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province célèbre qui porte encore aujourd’hui le nom significatif de Minas-Geraes (mines générales).

À la vue de cette terre ruinée, l’esprit est partagé entre des impressions bien diverses. Il se demande d’abord si le mouvement qui à plusieurs reprises a précipité des millions d’hommes au-delà de l’Océan, vers les mystérieux eldorados du Nouveau-Monde, doit être regardé par le moraliste comme un bien ou comme un mal pour l’humanité. Les obstacles mêmes et quelquefois les déceptions qui attendent les explorateurs l’amènent bientôt à se préoccuper d’une autre question, toute scientifique. Cette prédilection des métaux précieux pour l’Amérique équatoriale est-elle l’effet du hasard, ou le résultat de causes physiques ? Ne saurait-on tracer à l’avance sur une. mappemonde les zones aurifères qu’on peut rencontrer à la surface de notre planète et en indiquer la profondeur probable ? Bien que la solution de tels problèmes suppose de nombreuses données, des recherches persévérantes, il serait permis toutefois, en prenant le Brésil pour champ d’exploration, d’arriver à des rapprochemens de quelque intérêt et d’en tirer certaines inductions probables. On n’ignore pas que cet empire occupe à lui seul presque la moitié de la péninsule australe du Nouveau-Monde. Pendant tout le cours du XVIIIe siècle, il a été pour le Portugal ce que le Mexique et le Pérou avaient été pour l’Espagne aux époques précédentes. Les mines, il est vrai, ne sont plus aujourd’hui ce qu’elles furent jadis ; mais cette particularité nous aidera précisément à suivre le fait historique dans son évolution complète. Du reste, les souvenirs des anciens jours sont si vivaces dans le pays, les mineiros (mineurs) ont laissé des traces si nombreuses, qu’à chaque pas on se heurte à quelque rivière ou à quelque ville dont le nom sonore rappelle les antiques richesses de la contrée. Les lieux que traverse le voyageur l’édifient pleinement sur la nature géologique du terrain, et les confidences des chercheurs d’or qu’il rencontre encore çà et là achèvent de l’éclairer sur l’histoire et les destinées des pays aurifères. C’est en comparant leurs récits avec nos propres observations et avec les faits bien connus des premiers temps de la conquête que nous voudrions essayer de répondre au double problème moral et scientifique indiqué plus haut.


I

Comment d’abord expliquer ce nom de l’Eldorado qui a servi de mot d’ordre, de cri de ralliement en quelque sorte à toutes les croisades aurifères ? Un fait qui s’est passé de nos jours va répondre.