Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 52.djvu/360

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reste, faillit un jour me faire un mauvais parti, parce que je parlais de jeter par la fenêtre sa boite de prétendus brillans. Aucune des raisons que je lui donnais pour lui faire comprendre la nature de son trésor ne pouvait le convaincre. Un vieux nègre qui était présent, jugeant, par la chaleur de la discussion, de l’intérêt qu’il portait à ses pierres, lui dit qu’il connaissait à quelque distance de là une montagne appelée la Montagne bleue, où l’on trouvait à chaque pas des cailloux colorés et transparens. Il se faisait fort de l’y conduire et de le ramener, avec de bonnes montures, en moins d’une journée. Cette offre du vieux nègre et surtout le nom de Montagne bleue séduisirent mon Californien. Je vis se peindre sur sa figure la joie que ressentaient les conquistadores en entendant prononcer le nom de la Serra das Esmeraldas. J’eus beau lui objecter que dans tous les pays on rencontrait des montagnes bleues, que ce nom provenait invariablement des teintes azurées dont l’horizon recouvre les chaînes lointaines : rien ne put l’ébranler. Il prit jour avec le nègre pour le lendemain, et dès cinq heures du matin il se dirigeait vers le nouvel eldorado, non sans m’avoir, en bon camarade, fortement engagé à partager son heureuse fortune. La nuit arrivée, je l’attendis avec impatience, souriant d’avance au récit de ses aventures à travers les bois et de ses déceptions, espérant aussi que le résultat négatif de ses recherches chasserait pour toujours ses illusions ; mais j’oubliais que j’avais affaire à une nature d’outre-Rhin. Je le vis enfin approcher, rayonnant de joie, faisant résonner comme un cliquetis de ferraille à chaque pas. C’était le bruit des pierres dont il avait bourré sa gibecière, ses poches et ses bottes. Il était tombé sur des schistes micacés, dont les reflets tantôt bleuâtres, tantôt dorés, l’avaient facilement séduit.

— Vous avez eu tort de ne pas me suivre, me dit-il en m’abordant, j’apporte des choses charmantes que je vous montrerai de main. Si elles n’ont pas de valeur, elles me serviront toujours à me faire bien voir des raparigas (jeunes créoles), car vous savez qu’elles aiment beaucoup ces pierres pour orner la niche de leur madone. Du reste, je vous avoue que j’y tiens beaucoup moins que ce matin ; j’ai trouvé mieux que cela en revenant, et je pense que cette fois vous serez de mon avis. Je vais vous montrer une véritable merveille, un diamant vivant. Tenez, venez avec moi, nous verrons mieux dans l’obscurité, continua-t-il en passant dans la pièce voisine, et en tirant d’une de ses bottes le flacon qui renfermait le matin sa provision de cachaça.

Je le suivis sans mot dire, me demandant si l’insolation de la journée, s’ajoutant à ses rêves californiens, n’avait pas déterminé en lui un commencement d’aliénation.

— Figurez-vous, reprit-il, qu’il était nuit close, et naturellement