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en qualité de prosélytes. L’Ancien Testament, sauf les réserves énoncées plus haut, était donc pour eux comme pour les Juifs le recueil des « écritures divines, » et la principale tâche des prédicateurs de l’Évangile était de montrer, conformément aux règles d’interprétation alors admises, que Jésus de Nazareth, ayant réellement accompli la loi et les prophètes, devait être regardé comme le messie attendu. En même temps se produisaient des instructions morales dérivées de son enseignement à lui-même, qui se résumait, on le sait, dans un principe assez simple pour être retenu toujours, assez absolu pour se passer de complémens, assez ample pour remplir la vie de ses applications, l’amour infini. Les faits principaux de sa vie, de sa mort, de sa résurrection, étaient illustrés par des citations des écritures juives où l’on voyait des prédictions surnaturelles de ces événemens. Sans nul doute cela devait amener les témoins de sa courte carrière à raconter des incidens, des faits particuliers, et, conformément aux habitudes antiques, il en résultait des diégèses ou narrations qui prenaient bientôt un tour stéréotypé et se reproduisaient ailleurs sous une forme semblable. C’est un trait caractéristique de cette époque reculée, et il en est encore ainsi de nos jours au sein des populations restées étrangères à nos mœurs littéraires, et où de vieux récits, passant de bouche en bouche, s’embellissent à la longue, mais moins vite que si cette transmission orale s’opérait dans un milieu plus développé intellectuellement. On peut reconnaître deux diégèses de ce genre dans les deux récits que l’apôtre Paul fait à ses lecteurs corinthiens de l’institution de la sainte cène et des apparitions du ressuscité ; mais il est constant qu’aucun écrivain du Nouveau Testament ne trahit le moindre soupçon que le livre qu’il compose est destiné à faire partie d’un second recueil d’écritures saintes et à régler en ressort suprême la croyance et les mœurs des siècles futurs. D’ailleurs ils croient tous que le monde n’a plus longtemps à durer, et par conséquent il ne pourrait leur venir à l’idée de former un canon nouveau en vue d’une postérité reculée ; toutes les fois qu’on parle de l’Écriture dans le Nouveau Testament, c’est uniquement de l’ancien recueil qu’il est question.

On n’a pas à entrer ici dans les discussions compliquées touchant l’origine et l’authenticité de chacun des livres dont se compose le Nouveau Testament, on ne s’occupe que de la réunion de ces livres en un corps d’écrits déterminé. Il faut dire toutefois que les circonstances durent amener les premiers missionnaires de l’Évangile à recourir de temps à autre à la voie épistolaire pour faire parvenir leurs instructions ou remontrances aux communautés dont ils étaient éloignés, et que ce fut surtout le cas du grand apôtre des gentils qui