Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 52.djvu/412

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

église locale l’unité de l’église répandue sur toute la terre. C’est le catholicisme dans le sens primitif du mot. Les anciennes oppositions entre pauliniens et partisans de la loi sont émoussées par leur frottement prolongé ; un point de vue mixte, peu logique, mais très pratique ; en est sorti, et la majorité qui l’adopte, entourant désormais d’une même vénération les noms de Pierre et de Paul, abandonne peu à peu à leur exclusivisme les ultras des deux partis, soit qu’avec Marcion ils exagèrent le paulinisme jusqu’à rejeter le Dieu et les livres de l’Ancien Testament, soit qu’avec les chrétiens de Palestine ils persistent à regarder Paul comme un apostat et un imposteur. Deux faits graves, l’invasion de la gnose et le montanisme, bien qu’aspirant à détruire ce catholicisme primitif, contribuent finalement par leur défaite à le fortifier. La gnose, sous prétexte d’élever la vérité chrétienne à la hauteur de l’absolu, étoufferait, si on la laissait faire, tout le contenu moral de l’Évangile sous le fardeau de ses spéculations fantastiques, et, par son horreur dualiste de la matière, réduirait la personne vivante du Christ à l’état d’un fantôme sans réalité. À ce mouvement fort dangereux, tout à fait d’accord avec l’esprit du siècle (car on en peut signaler de semblables chez les Juifs et chez les païens), le sens pratique de la majorité oppose une regula fidei, un canon de croyance, c’est-à-dire un court résumé des faits constitutifs de l’histoire évangélique, résumé qui nous est parvenu sous plusieurs formes, mais qui tend partout à défendre contre la spéculation gnostique la réalité concrète de cette histoire. Cette unité du but, cette variété de la forme, prouvent qu’aucune autorité centrale n’a rédigé cet ensemble canonique au nom de l’église entière, et qu’il est provenu d’hommes éloignés les uns des autres, mais réunis par des besoins et des tendances semblables. C’est de cette règle de foi qu’après d’autres variations proviendra plus tard le Credo ou Symbole dit des Apôtres. — De son côté, le montanisme, d’accord avec la catholicité sur la règle de foi, s’en sépare à cause de ses vues sur l’inspiration individuelle. C’est une sorte de revival, de réveil, qui s’étend du fond de l’Asie-Mineure jusqu’en Gaule et en Afrique, et qui ne tarde pas à déplaire à la majorité des évêques par sa prétention de régenter les églises au moyen des oracles souvent délirans de ses prophètes et de ses illuminées. En droit, le montanisme a parfaitement raison d’affirmer que le Saint-Esprit est promis à tous et qu’à l’origine il soufflait où il voulait, comme il voulait ; mais en fait il est une réaction fiévreuse, une tentative désespérée de revenir à un état de choses à jamais dépassé, à cette ferveur quelque peu indisciplinée des premiers jours, incompatible désormais avec l’esprit circonspect et utilitaire qui sera dorénavant celui de l’église, et trouvera son organe permanent dans l’épiscopat. Celui-ci en prend acte pour prétendre