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Hébreux d’enseigner sur la repentance une doctrine anti-évangélique. Ses jugemens sur certains livres de l’Ancien Testament, tels que l’Ecclésiaste, les Macchabées et surtout celui d’Esther, qu’il déteste, sont plus que sévères. L’Apocalypse en particulier le met de mauvaise humeur. Il s’irrite contre cet auteur « qui promet et menace, tout en disant des choses si obscures que personne ne sait ce qu’il veut dire. » Les successeurs de Luther furent moins hardis et s’en tinrent plus respectueusement au canon ordinaire. Cependant le sentiment vague, parfois nettement exprimé, que sept des livres composant le Nouveau Testament n’ont pas tout à fait la même autorité que les autres, se maintint dans l’église luthérienne, et prépara la voie aux études modernes.

Dans l’église réformée proprement dite, celle de Zwingli et de Calvin, les choses marchèrent plus vite et furent décidées dans le sens d’une fixation officielle et définitive des livres saints ; mais ce qui prouve bien le prestige dont la Bible dans son ensemble était alors en possession, c’est qu’on accepta la valeur canonique, l’autorité divine des livres dont elle se compose comme assez évidentes ’ pour s’imposer à tout homme capable de les sentir. C’est ce qu’on appela le témoignage et persuasion intérieure du Saint-Esprit, et la vieille confession française de La Rochelle, après avoir énuméré les livres canoniques, faisait cette déclaration en termes exprès : « Non tant le commun accord et consentement de l’église que le témoignage et persuasion intérieure du Saint-Esprit nous les fait discerner d’avec les autres livres ecclésiastiques. » Notons toutefois que cette même confession a soin de ne pas ranger l’épître aux Hébreux parmi celles de saint Paul, ce qui est un commencement de critique sacrée qui promet beaucoup. À l’abri de cette reconnaissance de la valeur en quelque sorte axiomatique des livres de la Bible, fondée sur l’impression religieuse qu’ils font sur l’âme, indépendamment de leur origine, Calvin put, avec une grande liberté d’allure, appliquer son tact critique fort remarquable aux questions soulevées par l’authenticité de plusieurs livres du Nouveau Testament ; mais son exemple fut encore moins suivi que celui de Luther par ses disciples et ses successeurs immédiats. L’impulsion une fois donnée vers la divinisation de la Bible, il en fut de cette divinisation comme de toutes les autres : on ne fut satisfait que lorsqu’elle fut absolue… Au XVIIe siècle, ce fut à qui parmi les théologiens réformés se montrerait le plus radical sous ce rapport. La lettre biblique fut déclarée miraculeusement inspirée. Le Cantique et le livre d’Esther furent