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les parties de l’Acropole ; on eût dit qu’un immense incendie dévorait l’antique citadelle de Minerve, et au-dessus des flammes et de la fumée les Propylées, le temple d’Erechthée, le Parthénon surtout, éclairés par le reflet et comme enveloppés d’une auréole surnaturelle, dressaient leurs formes grandioses qui se détachaient sur le bleu sombre du ciel. J’avais déjà vu bien des fois les monumens élevés par le génie de Mnésiclès et d’Ictinus sur cette colline immortelle, que la nature semble avoir formée exprès pour en faire le piédestal du plus beau temple construit par les hommes, bien des fois j’avais passé des heures entières à les contempler et à les admirer, tantôt dorés par les rayons du soleil, tantôt illuminés d’une teinte d’argent par les clartés de la lune ; jamais ils ne s’étaient montrés à mes yeux environnés de tant de splendeur.

Mais dès le lendemain du jour de l’entrée royale on retombait dans les peines et les difficultés de la vie réelle. Les fêtes de l’avènement une fois terminées, il fallait se mettre à gouverner, il fallait aborder la tâche périlleuse et ardue de rétablir l’ordre et l’exercice régulier du pouvoir dans un pays qui non-seulement sortait d’une révolution, mais qui venait de traverser une année entière d’interrègne pendant laquelle tout s’était désorganisé. Et cette tâche était rendue plus difficile encore par les arrangemens de l’Europe, qui mettaient le nouveau souverain des Grecs aux prises avec la banqueroute léguée par le gouvernement précédent, aggravée par la période révolutionnaire.

Une première question se présentait tout d’abord : quelle conduite la royauté nouvelle devait-elle tenir à l’égard de l’assemblée nationale ? Ce n’était pas un des problèmes politiques les moins ardus que celui de faire marcher ensemble et coexister sans conflit, d’une part une royauté qui ne pouvait demeurer dans un rôle absolument passif, de l’autre une assemblée investie pendant dix mois de la plénitude du pouvoir souverain et exerçant encore une mission constituante. Il y avait en présence deux souverainetés nécessairement rivales. Le moyen le plus simple d’éviter les embarras était d’en supprimer la source et de dissoudre l’assemblée. Grâce à l’élan d’enthousiasme monarchique excité par son avènement, le roi pouvait le faire sans résistance, appuyé sur la garde nationale et sur le peuple ; l’opinion publique y était favorable ; la diplomatie, au moins celle de la France, le conseillait instamment. M. de Sponneck s’y refusa, et les amis de la liberté constitutionnelle doivent lui en tenir compte. Il y a dans la conduite d’un homme d’état qui assume sciemment et volontairement sur sa tête, pour ne pas dévier de la voie strictement légale, des difficultés qu’il avait les moyens d’écarter et dont il ne pourra peut-être pas soutenir le fardeau, quelque