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circonscription artificielle du canton, trop grande dans un sens et trop petite dans un autre pour avoir une vie propre. En même temps elle fit du maire cantonal ou démarque un agent du pouvoir exécutif nommé par le ministre de l’intérieur, tandis qu’il devait être l’homme de la population. Il est dans le royaume hellénique tel dême dont la traversée demande treize ou quatorze heures à cheval, et qui se compose de bassins séparés par des crêtes presque infranchissables. Comment pourrait-on espérer, dans une circonscription ainsi établie, un contrôle sérieux de l’emploi des deniers communaux et des actes du démarque, cette intervention constante des citoyens dans les affaires de leur localité qui est l’essence de la vie municipale ? Grâce à l’absence de contrôle et à l’étendue des pouvoirs qui lui sont confiés, le démarque est un véritable pacha au petit pied, qui compose à sa volonté la liste des conscrits, use de ses attributions de magistrat de police pour se créer une dictature et s’enrichir des revenus du dême. Le ministre qui le nomme n’est aucunement obligé de le prendre dans le conseil municipal, lequel est à peine réuni une fois dans l’année pour la forme ; aussi se borne-t-il, dans le choix des démarques, à prendre les noms que lui désigne l’homme politique considéré comme ayant une grande influence dans le pays, et dont le cabinet cherche à s’assurer le vote parlementaire. Et cependant, bien qu’il ait été ainsi dénaturé et annulé depuis trente ans, le régime municipal est tellement dans le génie du peuple grec, que seul il est resté debout dans l’ébranlement universel de la révolution, quand l’édifice de l’administration centrale s’en allait par lambeaux. Au sein de la crise, il a puisé une vie nouvelle ; les conseils municipaux ont repris une autorité sérieuse, et ont remplacé dans les provinces le gouvernement, qui n’avait plus d’action. Pendant un an, la Grèce a été en réalité une république fédérative, où chaque municipalité s’administrait et se gardait elle-même, vivant de son existence propre, et ne s’inquiétant ni des crises parlementaires qui tous les mois instituaient de nouveaux ministres dans la capitale, ni des changemens de préfets qui n’étaient pas plus rares. Que serait-ce donc si la royauté, comprenant son véritable rôle, revenait sur l’œuvre de destruction consommée par la régence bavaroise, rétablissait à la place du canton la commune telle qu’elle doit être, composée de l’agglomération des maisons et des familles groupées autour de la même église, ayant les mêmes intérêts et les mêmes affaires ? Le maire cessant d’être un aussi gros personnage et d’avoir un pareil maniement de fonds, les intrigans ne rechercheraient plus ce poste avec tant d’avidité. Au point de vue matériel, cette réforme aurait pour résultat de rendre au pays 6 millions de revenus communaux, sur lesquels