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qui sache reboiser les montagnes et préserver contre les incendies allumés par les pâtres le peu d’arbres qui subsistent, encourager, activer la production de manière à cesser enfin d’être tributaire de l’étranger, au moins pour les bois, les céréales et les chevaux, dont on peut élever de grandes quantités dans la Béotie, créer les cadres d’une bonne armée, donner plus de soin encore à la gendarmerie, fonder le crédit de la Grèce en Europe par une bonne gestion financière et par de courageuses économies, ce sont là des besoins manifestes et essentiels dont la royauté doit avoir conscience.

L’agriculture est, avec le commerce maritime, ce qui a fait les progrès les plus marqués en Grèce depuis l’indépendance. La superficie des terres cultivées était en 1821 de 233,800 hectares ; elle en comprend aujourd’hui 372,000. La production des céréales n’atteignait en 1821 que 5 millions d’hectolitres, elle dépasse maintenant 9,200,000, c’est-à-dire qu’elle a presque doublé. Celle du raisin de Corinthe était, au temps des Turcs, concentrée principalement dans les Iles-Ioniennes ; tout au plus la Grèce en fournissait-elle pour une valeur de quelques centaines de mille francs : elle exporte maintenant, année moyenne, pour 12 millions de raisin de Corinthe. Le coton ne se cultivait que pour la consommation intérieure des populations rurales ; l’année dernière, la Grèce en a envoyé pour une valeur de 9 millions sur les marchés de l’Europe. Les procédés de la culture des céréales et de la vinification sont encore dans l’enfance, bien que l’on commence à rencontrer quelques belles exploitations rurales dans les environs d’Athènes et dans la plaine d’Argos, et que l’exportation des vins s’élève aujourd’hui à un chiffre annuel de plus d’un million. En revanche, les cultures qui demandent des irrigations et un travail à la houe sont poussées à un grand degré de perfection. Les plantations d’arbres fruitiers, qui sont loin d’être toutes en plein rapport, se multiplient chaque jour. Certains cantons où la population est un peu plus dense qu’ailleurs, la vallée du Céphise, les environs de Livadie, les îles de Santorin et de Naxie, la plaine d’Argos, une notable portion du Péloponèse, commencent à offrir l’aspect de véritables jardins. Cependant ce progrès agricole n’est pas encore ce qu’il devrait et ce qu’il pourrait être. Il est indispensable de défricher d’immenses-étendues de terres encore stériles, d’introduire de meilleures méthodes dans le labourage et dans la production des céréales, de multiplier le bétail, de substituer partout la culture intensive à la culture extensive, qui règne sur la plus grande portion du pays. Or ces réformes rencontrent trois grands obstacles qui appellent toute la sollicitude du gouvernement, le manque de bras, le développement exagéré des terres du domaine, qui demeurent pour la plupart incultes, enfin la rareté des capitaux.