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Au premier sens, Dieu est dans l’univers, il est en tout, et il est de plus en plus dans ce qui est plus parfait. Il est donc dans la vie plus que dans la matière inerte, dans la pensée plus que dans la vie, dans la conscience des grands hommes plus que dans celle du vulgaire. À ce point de vue, Dieu se développe sans cesse ; il n’est pas, il devient, il se fait. Le plus haut degré de divinité que nous connaissions est la conscience humaine ; mais on peut concevoir un plus haut degré de divinité possible, ce serait une concentration de toutes les consciences de l’univers dans une conscience unique, dans une conscience absolue. De là ce singulier rêve, que l’on a admiré dans la Vie de Jésus, d’une résurrection possible de toutes les consciences dans une conscience finale, terminaison étrange de cette cosmogonie arbitraire, dénoûment fantastique de cette merveilleuse féerie que l’univers joue devant nous, et dont nous sommes nous-mêmes les spectateurs et les acteurs.

Dans un autre sens, Dieu n’est plus ce progrès de la nature toujours en mouvement. Il est l’infini, il est l’idéal, il est l’absolu. Il est l’ordre où la métaphysique, les mathématiques, la logique, sont vraies. On peut donc dire de lui avec Bossuet, Malebranche, tous les platoniciens et tous les chrétiens, qu’il est le lieu et la substance des vérités éternelles. Admirable définition de Dieu, si elle se rapportait à quelque chose d’existant ! Or, suivant M. Renan, Dieu, entendu dans ce second sens, n’existe pas, il est en dehors de la réalité ; il n’est qu’une catégorie de la pensée. En effet, il est le lieu des sciences absolues ; mais les sciences absolues n’ont pas le réel pour objet. Il est l’absolu lui-même ; mais rien d’absolu ne peut exister. Nous apercevons maintenant, nous comprenons dans quel sens l’âme est immortelle. Survivre en Dieu, c’est survivre dans l’idéal et dans l’absolu, c’est survivre dans ce qui n’existe pas. Quelquefois M. Renan veut donner un peu plus de fond à cette immortalité illusoire, et il nous fait espérer de survivre dans le souvenir de nos amis (souvenir aussi fragile que nous-mêmes) ou bien dans nos pensées, ce qui réserve l’immortalité à un bien petit nombre d’hommes, car combien d’entre nous peuvent se flatter que leurs pensées méritent de leur survivre ?

Mais si Dieu n’est qu’un idéal sans aucune réalité, comment expliquer l’ordre et l’harmonie de l’univers ? On mêle ici d’une manière assez confuse le hasard et l’instinct, d’une part la théorie épicurienne des combinaisons fortuites, de l’autre la théorie stoïcienne d’une vitalité intérieure de la nature. Deux choses deviennent nécessaires pour expliquer le monde, le temps et la tendance au progrès. « Une sorte de ressort interne poussant tout à la vie, voilà l’hypothèse nécessaire… Il y a une conscience obscure de l’univers