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la France avait, jusqu’au milieu de l’année 1863, porté les mêmes jugemens que le cabinet anglais sur le litige dano-allemand. À la fin de juillet de l’année dernière, lord Cowley, rendant compte d’un entretien qu’il venait d’avoir avec notre ministre des affaires étrangères, écrivait : « M. Drouyn de Lhuys m’a exprimé le désir d’agir avec le gouvernement de sa majesté dans cette affaire. » Qu’était devenu deux mois après ce projet de bon accord ? Dans l’intervalle de ces deux mois, la longue controverse diplomatique entamée au sujet de la Pologne avait pris fin de la triste façon que l’on sait. Le prince Gortchakof avait coupé court à la discussion par son refus hautain ; la saison des paroles était passée : il fallait agir ou se taire. L’Angleterre ayant déclaré dès l’origine qu’elle n’agirait point pour la Pologne, la France fut réduite au silence. C’était à l’heure où la campagne diplomatique de Pologne avait ce fâcheux dénouaient que les difficultés de la question danoise s’amoncelaient à l’horizon, et que lord Russell faisait à M. Drouyn de Lhuys, par son représentant en France, la proposition suivante : « comme l’équilibre serait menacé si l’intégrité et l’indépendance du Danemark étaient atteintes à un degré quelconque par les réclamations de l’Allemagne et les mesures qui en seraient la conséquence, la Grande-Bretagne et la France devraient offrir leurs bons offices, ou bien, si l’on trouvait cette démarche insuffisante, elles devraient rappeler à l’Autriche, à la Prusse et à la diète, que tout acte de leur part qui tendrait à l’affaiblissement de l’intégrité et de l’indépendance du Danemark serait contraire au traité du 8 mai 1852. » Une pareille démarche, accomplie à cette époque par la France et l’Angleterre unies, eût été le gage de l’alliance solide et de l’action concertée des puissances occidentales dans la question danoise : elle eût eu une influence infaillible sur les gouvernemens allemands ; on n’en saurait douter quand on songe aux précautions circonspectes dont ces gouvernemens entouraient leurs premières tentatives contre le Danemark quatre mois après, à une époque où ils étaient déjà sûrs cependant que la France n’agirait point. Il nous semble en outre que la proposition de lord Russell ouvrait à la France l’occasion d’une revanche de l’insuccès qu’elle venait d’essuyer dans sa campagne polonaise. Les complications danoises pouvaient faire revivre les complications polonaises ; les événemens pouvaient fournir la chance d’étendre jusqu’à la Pologne l’action concertée entre la France et l’Angleterre pour le Danemark. En tout cas, l’alliance occidentale trouvait un moyen prochain de se relever avec force et autorité de l’échec que la diplomatie russe venait de lui infliger. Il y avait là, en un mot, suivant nous, une occasion dont une politique inaccessible au découragement, à la lassitude, à la mauvaise humeur, une politique ferme, résolue, et jouant serré, eût pu promptement tirer profit. Nous reconnaissons cependant que le gouvernement français, au moment où lui arriva la proposition de lord Russell, n’avait pas de motifs d’être in good spirits. La réponse de M. Drouyn de Lhuys à la