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serait même pas bien sérieux. Quel Intérêt aurait-il eu, en dehors de toute autre considération, à menacer la vie de M. Salazar ? Il ne pouvait que compromettre sa cause à l’heure même où il s’adressait au gouvernement espagnol et où il avait à soutenir ses droits devant l’Europe.

Au fond, à part tous ces derniers incidens, visiblement exagérés dans un moment d’émotion, que reste-t-il de tout cela ? Peut-être beaucoup de bruit pour rien, et à coup sûr un embarras créé à l’Espagne par un acte irréfléchi. Ce n’est pas sans habileté et sans un tact extrême que M. Pacheco, interpellé récemment dans les chambres de Madrid, s’est appliqué à démêler le vrai, à faire la part de tout, désavouant l’invasion des îles Chincha dans ce qu’elle avait de primitivement menaçant pour l’indépendance du Pérou, et réservant d’un autre côté la nécessité de poursuivre la réparation des insultes dont M. Salazar y Mazarredo peut avoir été l’objet. Les explications de M. Pacheco ont été habiles et modérées, disons-nous ; elles indiquent clairement que le cabinet actuel de Madrid n’a pas approuvé sans réserve les coups de hardiesse de ses agens. Par malheur, M. Pacheco marchait ici sur des charbons ardens, allant de contradiction en contradiction, d’impossibilité en impossibilité. Il désavoue l’invasion des îles Chincha, mais en même temps il est forcé de maintenir cette occupation à titre de gage en attendant un arrangement. Il veut réclamer une réparation pour les menaces dirigées contre M. Salazar : mais à qui s’adressera-t-il ? Comment vérifier même le caractère et la portée de violences que rien n’atteste bien clairement, si ce n’est le témoignage de M. Salazar lui-même, démenti ou affaibli par celui de son secrétaire, qui prétend qu’il y a beaucoup d’imagination dans tous ces dangers. Le mieux serait encore d’aller droit à la question, de mettre diplomatiquement et honorablement le Pérou en demeure de, faire honneur aux réclamations légitimes de l’Espagne, et d’effacer toute trace d’un épisode dont il n’y a pas, après tout, de quoi tirer une grande gloire. L’Espagne semble aujourd’hui entrer dans cette voie. Une circulaire diplomatique récente, venant après le dernier discours de M. Pacheco, désavoue de nouveau avec énergie ce qu’il y a eu de violent dans les-actes des agens espagnols et toutes ces velléités ambitieuses de revendication. Il ne reste donc qu’une transaction à combiner, et, une fois sur ce terrain, l’œuvre devient facile à des négociateurs de bonne volonté. Ce n’est pas seulement l’intérêt de l’Espagne, c’est l’intérêt de l’Europe, d’établir, enfin dans des conditions nouvelles des relations avec le Nouveau-Monde, de même que tous ces incidens, nés au moindre prétexte, indiquent à tous les états hispano-américains la seule politique à suivre, une politique qui consisterait à gagner, à attirer l’Europe en lui demandant ses émigrations, ses sciences, son industrie, tout ce qui peut aider à la civilisation sur ce continent où s’agitent trop souvent de vulgaires querelles.


CH. DE MAZADE.


V. DE MARS.