Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 52.djvu/586

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’entreprise au marquis de Leuville, et bientôt, celui-ci étant tombé malade, au comte de Saxe. Maurice arriva le 2 avril au quartier du marquis de Leuville, qu’il trouva expirant. La maladie du chef avait paralysé les travaux ; on reprend les préparatifs avec vigueur, et la tranchée est ouverte dans la nuit du 7 au 8. L’ennemi, trompé par de fausses attaques sur des points opposés, ne se savait pas serré de si près. Le 9, Maurice écrit à un général saxon, M. de Neubauer, dont les opérations se combinaient avec les siennes : « Je tiens ici le loup par les oreilles, et si vous m’en donnez le temps de votre côté, j’espère prendre Égra. Je pousserai ce soir la sape jusque sur le glacis, et demain je me logerai sur la palissade. J’espère que je pourrai battre en brèche après-demain, et vers le 15 je serai en état de donner un assaut au corps de la place. » L’assaut ne fut pas nécessaire ; la sape avait été menée si vigoureusement, que la garnison, malgré de suprêmes efforts et un feu meurtrier, sentit son impuissance. La place se rendit le 19 avril à dix heures du soir. Trois jours après, le maréchal de Broglie écrivait de son quartier-général au comte de Saxe.


« De Piseck, le 22 avril 1742.

« Je vous fais mon compliment de tout mon cœur, monsieur, sur la prise d’Égra, et je m’applaudis fort de vous avoir choisi par préférence pour cette entreprise, car à la façon dont les ennemis se sont défendus, sans un homme comme vous, peut-être n’y aurions-nous pas réussi, ou du moins cela aurait duré davantage, ce qui n’aurait pas été notre affaire dans la situation où nous sommes. J’en rends compte à la cour dans les termes que je dois ; elle ne saurait assez reconnaître vos services.

« Le maréchal DE BROGLIE. »


Aux félicitations du maréchal se joignaient les remercîmens du nouvel empereur :


« De Francfort, le 24 avril 1742.

« Souffrez à mon amitié, cher comte de Saxe, de prendre pour elle le zèle que vous ne devez qu’à la gloire du puissant monarque que vous servez, afin qu’il me soit permis de vous en remercier et de vous complimenter sur la conquête importante que vous venez de faire de la forte place d’Égra. Je vous devais déjà celle de Prague, et c’en était assez pour mériter mon estime particulière ; mais vous en voulez à ma reconnaissance. Que ne puis-je vous rendre des services aussi essentiels que ceux que vous me rendez !

« Mes ennemis ont évacué quelques places de mes états à l’approche de l’armée française, mais les désordres qu’ils y ont commis sont irréparables. Que ne pouvez-vous être partout !

« Sur ce, je prie Dieu, cher comte de Saxe, qu’il vous ait en sa sainte garde !

« CHARLES-ALBERT. »