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bien conduite, si bien exécutée, qu’au moment où le siège commença, les deux principaux officiers de la garnison, le commandant de la place et le directeur de l’artillerie (nous devons ce détail au comte Loss) assistaient dans Bruxelles à un conseil de guerre. Aussitôt les alliés se décident à venir au secours des assiégés. Anglais, Hollandais, Hanovriens, Autrichiens, environ soixante mille hommes sous le commandement du duc de Cumberland, sont en marche sur Tournay. Le maréchal de Saxe acceptera la bataille sans abandonner les travaux du siège. Il occupe le village de Fontenoy et s’y retranche solidement, appuyant sa droite au bourg d’Anthoin, sur l’Escaut, sa gauche à la pointe des bois de Barry. Il connaît le pays, il sait que là est la clé des positions décisives. Les préparatifs terminés et l’ennemi s’approchant, Maurice écrit au roi, qui part de Versailles le 6 mai et arrive le 8 au quartier-général, salué par les acclamations de toute l’armée. Du 8 au 11, les dernières mesures sont prises. Chacun se prépare pour ce terrible choc. Porté dans sa voiture d’osier, le maréchal surveille l’exécution de ses ordres, explique le plan de la bataille à ses aides-de-camp, entretient la confiance du roi, confiance joyeuse, intrépide, qui à son tour enflammera l’ardeur chevaleresque de tant de brillans gentilshommes. Jamais la veille d’une grande bataille ne fut si joyeuse. La présence d’un souverain au milieu d’une bataille, quand ce souverain n’est pas le vrai capitaine, est souvent un embarras pour l’exécution des ordres. Le roi eut le bon goût de faire respecter l’unité du commandement en imposant silence aux gens de cour. Un déplacement de troupes, exigé par le plan général, mais suspect à ceux qui ne pouvaient embrasser l’ensemble, avait excité de vifs murmures dans l’entourage du roi. « Le maréchal est malade, disait-on ; sa tête faiblit, son cerveau se trouble ! » Louis XV va droit à Maurice, et d’une voix haute et ferme, devant tous les courtisans : « Monsieur le maréchal, dit-il, en vous confiant le commandement de mon armée, j’ai entendu que tout le monde vous y obéît ; je serai le premier à en donner l’exemple. »

Il n’y avait eu que des escarmouches dans la journée du 10 entre les tirailleurs des deux armées. Le 11, à cinq heures du matin, l’ennemi se range en bataille à une demi-portée de canon des lignes françaises. Les Anglais sont à notre gauche, les Hollandais à notre droite. Après une demi-heure de canonnade, les Anglais s’élancent sur les redoutes de Fontenoy avec de grands cris ; ils sont reçus de telle sorte que le ravin creusé en avant du village est bientôt comblé de leurs cadavres. Le duc de Cumberland veut nous tourner par la gauche en traversant le bois de Barry. Les postes établis par la vigilance de Maurice ayant déconcerté son projet, il prend la résolution