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chef de faction ; au mois de septembre, il devint un rebelle achevé. La guerre civile commença. Ce ne fut cependant qu’au printemps de l’année suivante que le régiment de Condé, après avoir eu ses quartiers d’hiver à Stenai, quitta la frontière pour s’en aller fomenter et soutenir la révolte au cœur même de la France. Vauban dut à sa vocation marquée pour la fortification de ne point faire cette déplorable campagne. Retenu pour des travaux de défense à Clermont en Argonne, il apprit d’abord la marche de ses camarades jusqu’à la Loire et leurs premiers succès à Bleneau, puis leur retraite vers la Seine et leurs manœuvres autour de Paris, enfin le sanglant dénoûment de ce drame militaire dans les rues du faubourg Saint-Antoine. Au mois d’octobre, il les revit en Champagne, mais ils n’étaient plus seuls. Il y avait à côté d’eux, et déjà plus nombreux qu’eux, des régimens que Vauban connaissait pour les avoir vus tout à l’heure de l’autre côté de la frontière ; c’étaient des Lorrains et des Espagnols, mauvais et déplaisans compagnons. La guerre civile avait d’abord étonné Vauban, la guerre civile compliquée de guerre étrangère l’attrista. Cependant le nom de M. le Prince exerçait encore sur lui son irrésistible prestige ; il suivit M. le Prince devant Sainte-Menehould. Dès ce premier siège, le jeune cadet fut un héros. Au moment de l’assaut, il passa la rivière d’Aisne à la nage sous le feu de la place, « action qui lui fut imputée à grand honneur, nous a-t-il dit lui-même, et qui lui attira beaucoup de caresses de la part de ses officiers ; on voulut même le faire enseigne dans Condé, mais il en remercia sur ce qu’il n’étoit pas en état d’en soutenir le caractère. » Un volontaire qui refuse de l’avancement, quelle merveille ! Est-ce à dire que, pour être quelque chose comme sous-lieutenant aujourd’hui, il fallût faire preuve de richesse, et que le caractère d’enseigne fût bien lourd à soutenir ? Non, sans doute ; mais Vauban était si pauvre que la moindre dépense était au-dessus de ses forces, et si honnêtement fier qu’il lui répugnait de jouer, comme faisaient d’autres, le rôle d’un officier besoigneux doublé d’un chevalier d’industrie. Tout ce qu’il accepta pour prix de sa belle conduite, le service à cheval étant estimé davantage, ce fut de passer maître, c’est-à-dire cavalier. Il fit, dans la cavalerie, la campagne de 1653, et il y reçut sa première blessure ; mais cette campagne, commencée dans un camp, se termina pour lui dans un autre.


II

Un jour que Vauban était en parti avec trois de ses camarades, ils tombèrent inopinément dans une patrouille de l’armée royale.