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pût fournir. Semée dans un sol neuf, elle donna dans la première période des cotons longue-soie égaux à ceux du pays d’origine ; peu à peu, soit que les soins fussent moindres, soit que les élémens du sol eussent varié, le coton dégénéra, et devint une espèce neutre entre les longue et les courte-soie, gardant sa finesse dans un brin plus réduit, se frayant un accès dans la grande consommation par des mérites particuliers, et trouvant un profit réel à quitter le premier rôle pour passer au second.

À quelque variété de produits que l’on se fixe, un autre élément est de rigueur pour des cultures étendues : c’est le prix modéré de la main-d’œuvre. Sous ce rapport, l’Algérie, dans son économie actuelle, est assez dépourvue : les bras y sont plus coûteux et moins disponibles que dans les pays qui lui font concurrence. Elle n’a ni l’esclavage, comme aux États-Unis et au Brésil, ni le travail obligatoire, comme en Égypte, ni les castes vouées à la glèbe, comme dans les Indes anglaises. Tout se fait de gré à gré, par des arrangemens libres et à prix débattu. Aussi n’y a-t-il pas à songer à des prix de journée de 40 centimes, dont se contente le fellah, ou de 30 centimes, qui, avec une ration de riz, suffisent à l’Hindou. Les salaires prennent dans les exploitations agricoles de l’Algérie des proportions toutes différentes. Le louage des bras européens y figure pour 3 francs et 3 francs 50 cent, par jour, et encore n’en trouve-t-on pas en raison des besoins. Pour compenser un tel surcroît de charges, un seul moyen est indiqué : ce serait l’emploi plus général de la main-d’œuvre arabe. En vain y résiste-t-on, de peur de désagréger la tribu. Il faudra bien voir un jour que la colonisation n’est qu’à ce prix, qu’il y a là un essaim tout porté, formé au climat, qui ne peut être utile et ne cessera d’être dangereux que par la dispersion. Qu’on y procède avec ménagement, soit : on ne brise pas en un jour des coutumes séculaires ; mais il ne faut pas s’exagérer les difficultés de l’entreprise. Ces nomades ne se refuseraient pas, autant qu’on le croit, à devenir sédentaires ; ils ne répugneraient pas non plus à des associations de travaux dans lesquelles ils apercevraient un profit. Ne voit-on pas, la saison venue, des bandes de Kabyles descendre dans la plaine pour le travail des moissons ? Plus libres et moins tenus par leurs chefs, les Arabes en feraient autant. On pourrait, comme en Égypte, les former par contingens, les diriger où les bras manquent. L’œuvre achevée, ils regagneraient leurs tribus, où des pécules, laborieusement gagnés, répandraient quelque aisance. Leur passage serait pour eux une initiation à des cultures moins informes que les leurs, pour la colonie un accroissement d’activité et une garantie de repos, pour la main-d’œuvre une ressource et un régulateur. Avec ces auxiliaires