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leur esprit. Puisqu’ils voulaient attaquer l’Afrique par la côte orientale, pourquoi ne pas le faire par le point le plus rapproché de la ville d’Aden, où ils s’étaient donné rendez-vous ? Comme ils devaient nécessairement aller à Zanzibar, ils faisaient le voyage par terre au lieu de le faire par mer, en courant la chance de rencontrer sur leur route les fameuses sources dont la découverte était le but essentiel de leur mission. Ce projet n’avait qu’un défaut, c’était de ne point tenir compte du caractère et des habitudes des peuples qu’ils allaient rencontrer sur leur passage ; or c’est là précisément une condition essentielle du succès pour l’explorateur appelé à parcourir des contrées étrangères à toute espèce de civilisation.

L’Afrique orientale est habitée par trois classes de nègres dont les mœurs particulières présentent des différences tranchées. La première renferme les peuples agricoles, qui demeurent dans des villages solidement construits et palissades et qui ont des habitudes sédentaires. Ils sont querelleurs, rapaces,. toujours prêts à guerroyer entre eux sans se faire beaucoup de mal, mais ils montrent des dispositions pacifiques envers les étrangers. Ils sont répandus au sud de l’équateur entre la mer et la région des grands lacs. Chez eux, le type nègre a été visiblement altéré par un mélange de sang indien ; c’est à ce fait que l’on attribue les qualités qui les distinguent de leurs congénères. La seconde classe se compose des tribus moitié nomades, moitié agricoles. Le travail des champs est confié aux femmes ; les hommes se réservent la conduite des troupeaux. Leur caractère est changeant comme leur genre de vie : il faut que le voyageur connaisse les momens où il peut avec quelque espoir de succès s’aventurer au milieu d’eux. La troisième comprend les peuples exclusivement nomades. Ceux-ci sont méfians, belliqueux, sanguinaires, redoutables à leurs voisins et ennemis des étrangers. Les voyageurs ne peuvent pénétrer dans, leur pays qu’avec des forces imposantes, à moins d’avoir obtenu de leurs chefs l’assurance d’une protection efficace. Or les contrées que les capitaines Burton et Speke devaient traverser pour réaliser leur plan sont habitées par des nomades de la pire espèce. Ils ne tardèrent pas à s’en apercevoir, car à peine avaient-ils fait quelques étapes que leur camp fut attaqué et pillé par les Saumalis. Un des leurs, le capitaine Hem, perdit la vie en se défendant ; Burton fut blessé, et Speke resta au pouvoir des naturels. Il n’y aurait pas eu d’espoir de salut pour les deux officiers et leur suite, si ce malheur leur fût arrivé dans l’intérieur des terres ; mais ils n’étaient encore qu’à une faible distance des côtes. Burton put se retirer et se rendre à Aden, où il se remit de sa blessure, et fut rejoint par Speke, qui avait réussi à s’échapper des mains de ses ennemis.

Ce sanglant échec ne leur avait pas ouvert les yeux sur les dangers