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l’avaient favorisé dans sa précédente expédition et qui pouvaient lui être encore d’un grand secours. Enfin le gouvernement lui assura le passage gratuit sur un vaisseau de l’état. Le capitaine Speke aurait voulu prendre la route la plus courte et passer par la Mer-Rouge, mais le commissaire anglais de la ville d’Aden lui fit savoir qu’il ne pourrait mettre aucun vaisseau à sa disposition à cause de la guerre de Chine. Il lui fallut donc prendre la voie du Cap de Bonne-Espérance. Parti de Londres le 27 avril 1860, il arriva à la ville du Cap le 4 juillet. Sir George Grey, gouverneur de la colonie, prit le plus vif intérêt à son entreprise. Sur sa demande, le gouvernement colonial vota au capitaine un don de 300 livres sterling, et le commandant militaire lui accorda un peloton de fusiliers hottentots pour l’accompagner dans son voyage.

Le 16 juillet, le capitaine et son ami quittèrent le Cap sur un vaisseau croiseur que ; l’amiral avait, mis à leur disposition. Le 17 août, ils arrivèrent à Zanzibar, où ils apprirent que le consul de Hambourg, le docteur Roscher, avait fait l’année précédente un voyage d’exploration dans l’intérieur et avait pénétré sans obstacle jusqu’au lac Nyamesi ou des Étoiles, que traversent les 11e et 12e degrés de latitude sud ainsi que le 32e degré de longitude est. On pense qu’il n’est séparé du lac Shirwa, que le docteur Livingston a découvert en 1859, que par une langue, de terre de sept kilomètres de large. En traversant à son retour l’Uhiyow, le docteur Roscher avait été massacré par quelques indigènes. Le baron de Decken organisait une expédition pour aller à la recherche de la dépouille de son infortuné compatriote, tout en faisant servir ce triste voyage aux intérêts de la science.

Cette affligeante nouvelle ne découragea pas le capitaine Speke ; il s’occupa sans délai de faire ses préparatifs de voyage. Zanzibar est une ville qui offre sous ce rapport de précieuses ressources. Placée sous la domination des Arabes et gouvernée par un sultan, elle compte l’esclavage parmi ses institutions. Les trafiquans des pays subtropicaux de l’Afrique orientale y amènent leur marchandise humaine. Les esclaves sont vendus à l’encan ; on en exporte une partie, les autres sont disséminés dans les familles musulmanes de l’île. Il arrive assez souvent que ces derniers obtiennent leur liberté, soit à la mort de leurs maîtres, soit pour leur avoir rendu des services signalés. Quelques-uns de ces affranchis se font marchands d’esclaves à leur tour ; mais la plupart deviennent hommes de peine, ou prennent du service dans la marine. De là une population considérable de nègres appelés wanguana ou hommes libres, qui conservent les coutumes et les superstitions de leurs pays respectifs, ainsi que la connaissance de leur langue maternelle, bien qu’ils