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sommet de la colline opposée, dont les flancs paraissaient s’affaisser sous le poids de la plus luxuriante végétation. Des chardons auprès desquels ceux d’Europe n’auraient été que des nains élevaient leur tête orgueilleuse au-dessus d’une riche variété de plantes herbacées parmi lesquelles on distinguait l’indigo sauvage. Ces collines allaient se rattacher au riche plateau du Karagué et du Kishakka, lequel était adossé à une chaîne de montagnes à formes arrondies, à sommets dénudés, et dont le versant oriental était sillonné de bandes blanches. Ces montagnes avaient toute l’apparence de volcans.


IV

Le 7 novembre 1861, huit mois après leur sortie de Kaseh, Speke et Grant entrèrent dans le Karagué. Ce pays, heureux comparativement à ceux qui l’environnent, est situé entre le lac Nyanza à l’est et les contrées sur lesquelles sont assises les montagnes de la Lune à l’ouest. Il s’étend du 2° 22’ au 0° 55’ de latitude, sud. Le 29° de longitude est le divise en deux parties égales. Rumanika, qui en était le roi, connaissait les voyageurs. Musa les lui avait chaleureusement recommandés, et comme ce marchand arabe l’avait aidé à triompher de ses adversaires, il avait une dette de reconnaissance à lui payer en la personne de ses amis. Le 27, ils arrivèrent sur une colline fort élevée dont le sommet était à 5,500 pieds au-dessus du niveau de la mer. Ils aperçurent à mi-côte un massif d’arbres, et au pied une belle nappe d’eau qui semblait avoir été soigneusement encaissée dans un des plis du terrain. Ce massif était l’enclos du palais royal. Ils n’avaient pas eu le temps de s’y arrêter, lorsqu’un officier vint leur annoncer que le roi les attendait. Laissant leurs armes à la première barrière, Grant et Speke entrèrent, suivis de Bombay et de quelques-uns des wanguanas les plus âgés, dans une avenue bordée de chaque côté de huttes d’une dimension princière. Ils arrivèrent à un bâtiment rectangulaire, ayant pignons et toit incliné, lequel servait au roi de salon de réception et de cabinet de travail. Rumanika était assis par terre, les jambes croisées, couvert d’un vêtement moitié arabe et moitié nègre et richement orné. À ses côtés était également assis son frère Nanaji. C’était un docteur à hautes prétentions. Comme preuve de son savoir, il portait sur ses habits une multitude d’amulettes et de talismans. Derrière eux se trouvaient les fils du roi, au nombre de six ou sept, qui étaient aussi immobiles et aussi muets que des statues. La réception fut des plus amicales. Le roi serra chaleureusement la main aux deux étrangers, et leur adressa mille questions sur les contrées qu’ils avaient parcourues et les choses qu’ils y