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le but de son voyage, au moins sa tombe, creusée sur les bords du Nyanza, apprendrait à ses amis qu’il était digne de leur confiance et de la chaleureuse sympathie avec laquelle ils le suivaient dans l’accomplissement de sa difficile entreprise.


V

Le pays de l’Uganda a la forme d’un arc de cercle. Il contourne le nord-ouest du grand Nyanza. Il est partagé en deux portions à peu près égales par l’équateur, ainsi que par le 30e degré de longitude est. Il est encore plus riche que le Karagué. La nature y déploie une fécondité exubérante, et aux diverses variétés de céréales que l’Uganda produit, il faut ajouter le caféier, la canne à sucre, l’igname, les patates, le maïs, sans compter de plantureuses prairies où d’innombrables troupeaux trouvent une abondante nourriture ; mais la plante par excellence, la mère-nourricière des habitans, c’est le bananier, le manz des Arabes, cette plante chérie que des théologiens ont mise dans le jardin d’Éden pour tenter Eve, musa paradisiaca. Le bananier est le plus productif des végétaux. Aucun autre ne fournit à l’homme une égale quantité de substance nutritive. Cinq touffes peuvent nourrir une famille. C’est la plus belle ou plutôt la plus majestueuse des plantes herbacées. Sa tige provient d’un oignon d’un volume assez considérable que des racines blanches retiennent fortement à la terre. Elle s’élève jusqu’à douze et même jusqu’à quinze pieds de hauteur, et se termine par un faisceau de huit à douze feuilles, longues de quatre à cinq pieds, elliptiques, arrondies, divergentes, soutenues par une forte nervure et si solidement fixées à leur tige que les vents les plus impétueux ne parviennent pas à les en détacher. Du milieu de ces feuilles s’élève une hampe qui surpasse de trois ou quatre pieds le sommet de la tige pour retomber pendante sous le poids des richesses qu’elle soutient. Cette hampe se termine par un bouton qui semble formé d’écailles colorées. Elle porte autour d’elle, à la partie, supérieure, un bouquet circulaire de fleurs sessiles, d’une couleur jaunâtre, réunies en grappes qu’une bractée enveloppe jusqu’à la floraison. Chacune de ces grappes produit de cinq à huit bananes ; les fruits, qui prennent la forme d’un concombre, ont de 15 à 22 centimètres de longueur sur 3 ou 4 de diamètre. Cette haute tige ne vit qu’une année. Il semble que l’effort qu’elle fait pour produire tant de fruits cause sa mort ; aussi récolte-t-on la banane en coupant l’arbre au pied. La plante se perpétue par des rejetons. La chair de la banane est épaisse, pâteuse, d’un goût fort agréable, et fournit un aliment très sain aux habitans des régions intertropicales. On la mange crue, cuite ou simplement grillée ; sèche, elle a le goût, au dire du