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pour lord Ripon, qui présidait la Société de géographie de Londres,. sous les auspices de laquelle il a entrepris son grand voyage. Un léger coude vers l’ouest, que le canal fait à son extrémité, et un prolongement de collines qui encadre la rive opposée l’empêchaient à son grand regret de voir le lac dans toute son étendue ; mais le panorama, pour être circonscrit, n’en conservait pas moins toute sa magnificence. L’ensemble, comme les détails, captivait les regards du voyageur. Il avait sous les yeux une eau transparente qui venait se briser en murmurant contre les fragmens de rochers qui lui barraient le passage. Des milliers de poissons sautillaient, bondissaient des deux côtés de la chute, tandis que de nombreux pêcheurs abordaient les brisans, munis de divers instrumens pour les harponner lorsqu’ils se débattaient contre le courant des eaux. Des crocodiles réfugiés sur des récifs ou des bancs de terre dormaient ou peut-être étaient aux aguets pour saisir leur proie ; plus loin, des barques traversières faisaient la navette entre les rives opposées de la baie ou du fleuve. Des troupeaux de vaches ou de chèvres descendaient lentement et avec précaution des hauteurs pour se désaltérer à ces riches réservoirs, dans lesquels venaient aussi se baigner les animaux sauvages. Les collines étaient couronnées d’une végétation luxuriante, elles étalaient sur leurs flancs de nombreuses plantations de bananiers, et dans chaque anfractuosité surgissait un massif d’arbres de différentes essences. Partout le mouvement, partout la vie. De quelque côté qu’on se tournât, une riche nature, des scènes variées frappaient agréablement les regards.

« Maintenant, dit Speke, l’expédition peut regarder sa tâche comme accomplie ; elle vient d’atteindre le but du long voyage qu’elle a entrepris. Le problème est résolu. Le lac Victoria est bien la source d’où découle ce fleuve qui a servi de berceau à l’homme illustre qui a posé les premières assises du christianisme. » Mais comme il regrettait alors le temps qu’il avait perdu à la cour de Mtesa et ailleurs ! Quelles précieuses découvertes il aurait pu faire pour la géographie, s’il l’eût employé à visiter la partie orientale du lac, et surtout le nord-ouest, où il s’unit par un détroit à une autre nappe d’eau que les naturels appellent Baringo, et d’où sort le premier affluent du Nil ! Néanmoins, bien qu’il n’eût étudié que la partie nord-ouest du Nyanza, il n’avait aucun doute sur son étendue, sa configuration et l’importance des rivières qui se déchargent dans son sein. Tous les renseignemens qu’il avait recueillis constataient ce fait, que de la pointe méridionale, en suivant les côtes orientales, le lac ne recevait aucun cours d’eau digne d’être mentionné, et comme le Kilangulé, dont l’embouchure est à l’ouest, ne peut être considéré sous aucun rapport comme la branche-mère