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ce fidèle serviteur reconnaître le chemin jusqu’à Gani et s’informer si Petherick était arrivé au lieu du rendez-vous, ou s’il avait chargé quelques-uns de ses agens de venir à leur rencontre. Avec quelle impatience ils attendaient son retour ! Les minutes étaient des heures et les heures des journées. Il leur semblait qu’ils ne sortiraient jamais du milieu de ce marais, où ils étaient comme ensevelis. Ils n’avaient d’autres ressources pour rompre la monotonie de leur existence que de se rendre dans le soi-disant palais du roi, dont l’entrée leur était toujours permise. Ce palais ressemblait plus à un village mal entretenu qu’à une résidence royale.

Après cinq semaines d’absence, Bombay arriva porteur de bonnes nouvelles : il avait rencontré les facteurs de Petherick au nombre de deux cents, bien armés, et commandés par un chef turc, qui avait reçu la mission d’attendre le capitaine Speke pour l’escorter jusqu’à Gondokoro. Les deux amis firent savoir au roi qu’ils allaient immédiatement se mettre en route et lui demandèrent une audience de congé. Ils accompagnèrent leur demande d’une multitude d’objets qu’ils le prièrent d’accepter comme présens de départ. Kamrasi reçut avec plaisir les présens, mais chercha de nouveaux subterfuges pour les faire revenir sur leur détermination. Ils lui dirent qu’ils lui avaient donné leur dernière tente, leur dernière marmite, leur dernière scie, et le seul moustiquaire qui leur restait, ayant la ferme assurance qu’ils allaient partir, et qu’ils ne pouvaient, sans ces objets et d’autres encore, rester plus longtemps auprès de lui. Il consentit enfin à leur donner l’audience de congé qu’ils sollicitaient. Il le fit avec toute la solennité dont il était capable, et essaya de se justifier de la manière dont il les avait reçus et gardés.

Le 6 novembre 1862, ils s’embarquèrent sur deux canots pour descendre le Kafu, dont l’étroit courant est protégé de chaque côté par, une épaisse muraille de roseaux ; C’est pour les soustraire aux regards de son peuple que le roi leur avait assigné cette route. Ces précautions furent inutiles ; des milliers de spectateurs s’étaient placés sur les hauteurs qui dominent la rivière, pour les voir et les saluer. Le lendemain, ils entrèrent dans le Nil, qui, à l’endroit de sa jonction, présente une largeur d’un kilomètre, mais dont le lit se resserre graduellement jusqu’à 250 mètres. Au milieu des joncs qui en garnissaient les bords, ils aperçurent le papyrus à haute tige. Des îles flottantes tapissées de fougères et de différentes variétés de graminées suivaient lentement le courant. Après avoir traversé sans accident le district de Chopi, ils entrèrent dans le Kidi, dont les habitans portent pour tout costume une perruque bouclée comme leurs cheveux. Ils y rencontrèrent l’arbre à papier de verre, dont les feuilles sont rêches comme la langue du chat, et avec lesquelles les naturels polissent la hampe de leurs lances. Le dixième jour, ils